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majoritaires, Scheidemann, promit tout aussitôt son plus dévoué concours.

Si donc l’or pur de la résolution du 19 juillet s’est mué en un plomb vil, la faute en est à ceux-là mêmes qui avaient fondu et battu le très noble métal. Ou plutôt, le plomb n’était-il pas, dès l’origine, la partie dominante de l’alliage et l’or n’y figurait-il pas seulement à titre de placage superficiel pour permettre aux félons d’appâter les naïfs ? Naïfs ou félons, peu importe, le résultat est le même : les Russes des Soviets et de Lénine s’y laissèrent prendre. Si répugnante et si coûteuse qu’ait été pour nous leur trahison, l’Entente n’en doit pas moins leur savoir quelque gré pour avoir joué à son égard le rôle des ilotes ivres, en amenant l’Allemagne à abattre ses cartes et en démontrant au monde où conduit l’anarchie, où l’illusion du verbe, où le mirage de l’abstraction.

Il n’entre pas dans le cadre de cette étude de retracer la filiation directe du marxisme avec l’impérialisme allemand, ni d’exposer le détail des négociations qui s’engagèrent, presque aussitôt après l’avènement de Lénine, à Brest-Litovsk, à Kiew, puis à Bucarest. Encore faut-il rappeler quelques dates et quelques faits essentiels.

Dès la première prise de contact à Brest-Litovsk, c’est-à-dire le 2 décembre, une opposition radicale se révéla en apparence entre les points de vue des négociateurs : au « paix immédiate sans annexions ni indemnités » des Russes, les Centraux répondaient en déclinant « toute acquisition territoriale opérée par la force ; » mais quand il s’agissait de consulter les populations intéressées, les Centraux estimaient que les provinces baltiques, la Pologne, les indigènes africains eux-mêmes avaient suffisamment fait connaître leur volonté pour qu’il fût inutile de les interroger à nouveau, surtout en l’absence de troupes d’occupation ; en réalité, les uns et les autres n’étaient ou ne semblaient être pleinement d’accord que sur le chapitre des relations économiques, « ayant été constamment opposés à des buts de force, disaient les Germains, et voyant dans le rétablissement économique régulier ( ? ), tenant compte des intérêts de tous les participants, l’une des conditions les plus importantes pour la préparation et l’établissement des relations amicales entre les puissances actuellement en guerre. »

Ni le vague de cette dernière formule, ni les restrictions