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littéraires ou mentales qui accompagnaient les premières, ni d’autres incidents encore tout aussi significatifs, tels que le refus d’autoriser les socialistes minoritaires allemands ou leurs camarades neutres de s’approcher du lieu où se tenaient ces curieuses conférences, ne dessillèrent les yeux des bolcheviks : la résolution de ne plus se battre était chez eux si définitive, peut-être aussi tellement enracinée l’illusion de rencontrer dans cette aventure le concours plus ou moins spontané d’autres démocraties turbulentes de l’Europe, qu’on se résigna à ne retenir, dans chacune des phrases de la diplomatie germanique, que les seuls mots où pouvait s’accrocher l’irréductible espoir de traiter à tout prix.

Alors se déroula la plus lamentable tragi-comédie qu’ait jamais enregistrée l’histoire. La « démocratie » allemande ne manifesta pas le moindre penchant pour modérer l’appétit de son gouvernement ; aucun des peuples de l’Entente ne fit la moindre pression sur ses dirigeants pour qu’ils prissent part aux négociations de « paix démocratique » qui venaient de s’amorcer à Brest-Litovsk ; à peine si quelques grèves, peu durables du reste et plus alimentaires que politiques, éclatèrent alors dans les Empires centraux et en Pologne. La déception fut grande chez les bolcheviks, ou du moins affectèrent-ils de la ressentir telle ; encore leur amertume s’exprima-t-elle avec plus, de vivacité contre l’Entente qu’à l’égard de l’Allemagne, et lorsque, dans leur beau zèle d’affranchissement révolutionnaire, ils résolurent de répudier d’un seul coup toute la dette publique du tsarisme, ils ne cachèrent point leur espoir d’atteindre ainsi la France dans ses intérêts les plus sensibles, les porteurs de titres de cette dette y étant plus nombreux qu’ailleurs.

Les délégués allemands à Brest-Litovsk, M. de Kühlmann en tête, n’avaient pourtant pas, par, la netteté de leurs demandes, facilité le jeu, mélangé de recul tactique et de phraséologie humanitaire, adopté par les représentants de Lénine. Deux de leurs revendications gênaient plus spécialement ceux-ci : le refus catégorique des Allemands d’évacuer les provinces appelées à secouer le joug russe, avant qu’elles eussent proclamé librement leur indépendance sous la protection éclairée des baïonnettes prussiennes, bavaroises ou saxonnes ; la volonté manifestée par les Puissances centrales de s’assurer dans la Russie amoindrie un régime commercial plus favorable encore