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que le secrétaire d’État américain, M. Robert Lansing, recevait un télégramme, qui n’était qu’un gémissement. « Nous acceptons, en tous leurs points, les principes posés par le Président des États-Unis. » Nous nous joignons « à ses efforts pour prévenir les guerres futures et créer une famille des peuples. » Nous avons pris déjà « les mesures préparatoires » en ce qui touche notre famille de peuples, à nous. L’empereur et roi Charles, depuis son avènement, n’a jamais pensé et plus que jamais ne pense qu’à la fin de la guerre. La paix, par conséquent, la paix! et, pour gage de sa venue, « dans l’intérêt de l’humanité comme dans l’intérêt de tous ceux qui vivent en Autriche-Hongrie, un armistice immédiat sur tous les fronts austro-hongrois. » Et le comte Andrassy, changeant cette note en circulaire, en envoyait copie aux gouvernements anglais, français, italien et japonais, avec prière d’approuver la requête et de l’appuyer auprès du Président Wilson. Ainsi, tandis que le chancelier allemand essayait de faire du Président son médiateur auprès d’eux, le ministre austro-hongrois des Affaires étrangères s’efforçait de faire d’eux ses intermédiaires auprès de lui. Par une habileté quasi posthume, ou par un reste d’illusion qu’on n’eût point soupçonna, jouant sur la fiction qui empêche les États-Unis de contracter des « alliances, » peut-être l’un ou l’autre se liai tait-il encore de passer entre les « associés » la pointe du couteau.

Mais, certainement, l’Autriche-Hongrie était bien malade. Pour expliquer la hâte fiévreuse du comte Andrassy, les dates nous seront d’un grand secours. Sa première note est du 26 ou du 27 octobre ; la seconde, du 28. Dès le 21, parait-il, le haut commandement austro-hongrois en Italie tâtait indirectement le terrain pour un armistice : si les troupes impériales et royales se retiraient, — conformément au principe de l’évacuation posé par le Président Wilson, — ne serait-ce pas mieux quelles pussent s’en aller tout tranquillement, en épargnant les villes et villages, les routes et les ponts? Comme il avait des renseignements, il avait des inquiétudes. En effet, dans la nuit du 23 au 24, l’offensive du général Diaz se déclenchait triomphante. Le 27, elle se développait sur le mont Grappa ; le 28, les Italiens passaient la Piave. Dans les Balkans, des deux côtés à la fois, les Serbes et l’armée de Salonique avançaient très rapidement La Roumanie était en effervescence. Les frontières autrichiennes, les frontières hongroises, étaient découvertes, presque trouées. Conclure après pourparlers un armistice était l’unique moyen de ne pas se voir contraindre à une capitulation sans conditions.