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L’obtenir diplomatiquement dispensait d’y être plié militairement. On évitait les fourches caudines. Mais, naturellement (l’Autriche aura subi jusqu’à son agonie la loi de toute son histoire), il était trop tard. Le 29 octobre au matin, le haut commandement austro-hongrois « s’est mis en relations par un parlementaire avec le commandement de l’armée italienne... Le haut commandement italien, — d’après le communiqué officiel de Vienne, — a pris d’abord, en face de cette démarche, inspirée par les meilleures intentions, une altitude négative. Ce n’est que le 30 octobre au soir que le général de l’infanterie von Weber a pu, avec une délégation, franchir la ligne de combat, en vue de commencer les négociations. » Des négociations? Il en était d’elles comme des « propositions » qu’attendait le gouvernement allemand. Il ne pouvait pas plus être question de « négociations » avec l’Autriche-Hongrie que de « propositions » à l’Allemagne. Des conditions, si l’on en veut : le Conseil interallié de Versailles les a fixées : elles ont été notifiées au général Diaz, qui n’a eu qu’à appliquer strictement la consigne. Ce qu’elles sont, c’est ce qu’elles ont été pour la Bulgarie et pour la Turquie; ce qu’elles seront pour l’Allemagne. Nous n’avions pas plus de raison de faire à l’Autriche-Hongrie un traitement de faveur qu’à l’Allemagne elle-même un traitement de rigueur. Pour toutes les deux, pour toutes les quatre, l’armistice ne pouvait et ne pourra jamais être que la capitulation.

Et maintenant, rois, comprenez; instruisez-vous, vous qui jugez, ou qui jugiez, la terre. Nous continuons de dire, par habitude, l’Autriche-Hongrie, mais où est l’Autriche-Hongrie ? Ils continuent, à Vienne et à Budapest, de dire, par étiquette, de Charles ler-Charles IV, l’empereur ou le roi; mais de quoi est-il empereur, et de quoi est-il roi? Empereur d’Autriche? Mais où est son Autriche? Roi de Hongrie? Mais qu’est-ce désormais que la Hongrie? Dans ce chaos, digne des jours de la Création, où le professeur Suess lui-même, s’il revivait, ne discernerait aucun trait de la face du globe, qu’est-ce qui existe et qu’est-ce qui n’existe pas, qu’y a-t-il et que n’y a-t-il point?

Il est épineux de traiter, quand on ne sait pas avec qui on traite. Naguère, il y avait, pour l’Autriche-Hongrie, un ministère commun; à Vienne, un ministère autrichien; à Budapest, un ministère hongrois ; et, bien qu’il y en eût trois, on en avait devant soi au moins un. Hier encore, le comte Andrassy tenait, après le comte Burian, le rôle de ministre commun ; le docteur Lammasch, après le docteur Hussârek, celui de ministre autrichien ; le comte Jean Hadik, après