ce souci ne semblait plus permis. En 1804, les biens furent mis aux enchères avec de rares facilités de paiement ; le succès fut presque imprévu : de 1804 à 1806, on vit les terres vendues à des prix supérieurs à l’estimation et achetées par des gens de toutes les classes. Le partage des biens communaux, — laissés incultes sous les anciennes administrations, — augmenta encore le nombre des petits propriétaires ruraux et la valeur du sol enfin exploité. La population rurale ne tardait pas à augmenter dans de notables proportions : le Mont-Tonnerre par exemple passe en moins de dix ans de 398 165 habitants à 426 668, — soit 28 503 habitants de plus, presque tous paysans. Les prairies artificielles, nouveauté vite appréciée, favorisaient l’élevage ; la liberté d’exportation accordée, — autre nouveauté, — donnait un coup de fouet à la culture des céréales et des célèbres vignes. Les prix de ventes montèrent ; l’argent afflua dans les bas de laine ; il en sortait pour de nouveaux achats de biens nationaux, car, entre 1809 et 1812, il y eut une nouvelle poussée. Les préfets par ailleurs montraient aux paysans une considération qui les flattait : oui c’était bien, ainsi que l’écrivait Görres, « le règne des paysans, » — et c’est bien le meilleur pour la prospérité d’un pays.
Les douanes établies sur le Rhin et les tarifs de 1806 prohibant les produits anglais créaient à l’industrie une situation non moins prospère. C’était dans les deux grandes régions industrielles du Rhin-Inférieur et de la Sarre « un développement inespéré. » Des mines d’Eschweiller près d’Aix-la-Chapelle, des gisements de plomb de Bleiberg, — donnant des revenus doublés, — aux manufactures de drap d’Aix, Montjoie, Stolberg, aux fabriques de soie de Crefeld, c’était une poussée insolite d’activité. Tentés, par la prospérité du pays, les artisans de la rive droite venaient par milliers travailler sur la rive gauche. De 1809 à 1810 trois cents industriels, accompagnés de leurs ouvriers, s’installaient « en France. » En 1807, les fabriques du Rhin rapportaient 50 millions, en 1810, 80, et le progrès s’accélérait. La Roer ne pouvait suffire aux commandes de l’Empire et le préfet baron de Ladoucette pouvait fièrement écrire dès 1810 qu’il était « à la tête du département le plus industriel de l’Empire. »
La suppression des 33 péages qui, de Bâle à la Hollande, encombraient le fleuve, entravaient les échanges, alourdissaient