âme, nuit et jour, à son département que c’était merveille. Napoléon disait brutalement : « Je couche avec la France : » Jean-Bon « couchait » avec son Mont-Tonnerre. L’Empereur le trouvait parfois rocailleux, mais estimait en lui ce qu’il prisait par-dessus tout : un travailleur, un consciencieux. Enragé s’il s’agissait des intérêts de ses administrés, l’Empereur l’appelait « l’avocat de son département. » Mayence l’adorait ; la ville, bien des années après le départ des Français, entourera d’hommages affectueux sa tombe qui là-bas perpétue son souvenir et le nôtre.
Lezay-Marnesia, gentilhomme affable et libéral, ne lui ressemblait que par une inlassable activité. Lui, constituant de 1789, se préoccupait avant tout de « la bonne administration de la justice, » — ayant le sentiment de ce prestige dont tout à l’heure je parlais, de l’influence que cette « exacte justice » donnait partout aux Français. Aimant les Rhénans, parlant leur langue, pénétré de leur esprit, il adaptait l’administration à leur façon : un des grands préfets de l’Empire qui, à Strasbourg après Coblence, devaient laisser de si grands souvenirs.
Et si je ne m’arrête qu’à ces deux hommes, c’est qu’ils furent en effet les grands préfets, mais les sept ou huit qui parurent au bord du Rhin s’ils ne les valaient point, valaient beaucoup, aidés par toute une pléiade de sous-préfets, — choisis, eux, de préférence parmi les Rhénans.
Ce qu’il y avait d’admirable chez les agents supérieurs de l’Empire, c’est que leurs préoccupations allaient dans tous les instants à tous les objets : agriculture, commerce, industrie, travaux publics, conscription militaire, rapports avec les classes, relations avec le clergé, persuadés qu’ils étaient que « l’esprit public, » ainsi qu’on disait, ne leur causerait de souci qu’autant que faiblirait une des parties de cette multiple administration.
« Maintenant, écrivait Joseph Görres à Perthes le 1er mars 1812, maintenant le règne des paysans semble être arrivé. » Le paysan était partout le bénéficiaire de la Révolution, parce que la terre libérée, en outre, avait été, à bas prix, mise à la disposition des plus modestes. Dans la Rhénanie, les biens des seigneurs et des prêtres, — séquestrés dès 17D3, — n’avaient pas été mis en vente avant la réunion : la crainte du retour des anciens maîtres eût singulièrement nui à l’opération. Mais après 1802,