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Mayence, Wroste-Vischering, traîné dans une forteresse par des gendarmes prussiens.

De 1815 à 1870, la Rhénanie attendit la France. C’est ici même que M. Julien Rovère a dit avec un luxe édifiant de détails les mille manifestations de ce sentiment[1], telle circonstance me dispense d’y insister. Il a rappelé aussi les manifestations du souvenir français, la douce plainte de Béranger en 1819.


Le Rhin aux bords ravis à ta puissance,
...............…
Le Rhin lui seul peut retremper nos armes,


les vives protestations en 1825 de Chateaubriand en face de la menace suspendue sur Paris par la présence des Prussiens sur la rive gauche. « Tout vit là en attendant… La France redeviendra forte sur le Rhin. » — « C’est là que tôt ou tard la France doit placer ses frontières. » Et les pages de Victor Hugo sur le Rhin : « On est sur la rive gauche du Rhin, c’est-à-dire en France, » et, en 1840, le chant vengeur de Musset en réponse, au Rhin allemand de Becker :


Nous l’avons eu, votre Rhin allemand,
Il a tenu dans notre verre.


Il a redit aussi les explosions d’espérances sur la rive gauche, en 1830, en 1848, chaque fois que la Liberté remportait à Paris une victoire et les dures répressions de la Prusse. Il a redit les pensées de nos ministres, ne perdant pas de vue longtemps l’éternelle question d’Occident, la question du Rhin, les délibérations de 1840 et de 1866, le conseil où un Duruy et un Persigny étaient d’accord pour pousser Napoléon III aux revendications et combien on fut près de les voir réussir, — et l’immense déception des Rhénans après Sadowa, et aux premiers jours encore de la guerre de 1870, quand, attendus, les Français ne vinrent point.

Parce qu’ils n’étaient point venus, on s’accommoda du régime prussien, qui incarnait maintenant la force et la richesse, et parce qu’ils avaient perdu le reste de la Rhénanie,

  1. Voyez les Survivances françaises, dans la Revue des Deux Mondes des 1er octobre et 1er novembre 1917, par Julien Rovère.