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jusqu’au bout : est-il meilleure justification des projets d’offensive ? « Les puissances des ténèbres règnent de nouveau dans le monde ; mais la conscience allemande est pure de tout péché, » affirme une feuille catholique, l’Oberschwäbischer Anzeiger (6 février 1918). Mais la conscience allemande demande à être rassurée sur les conséquences de la politique de Hindenburg et non sur son bon droit dont elle fut toujours convaincue. On s’ingénie à exciter la passion populaire en décrivant les ravages causés à Paris par les raids d’avions : ces tableaux qui peuvent divertir les Berlinois, sont moins goûtés de la population des villes rhénanes. On invente l’histoire d’une campagne que les Puissances de l’Entente mèneraient contre Ludendorff : personne ne prend au sérieux cette fable saugrenue. Le ministère prussien s’engage à faire aboutir la réforme électorale ; tout le monde sait à quoi s’en tenir sur la valeur de cette promesse.

Quant aux négociations de Brest-Litowsk, elles offrent une suite de coups de théâtre propres à augmenter encore l’énervement de l’opinion. La paix bâclée avec les Ukrainiens excite les plus grandes espérances ; les rations sont augmentées ; l’Allemagne a mis la main sur le « grenier » de la Russie. Chimère ! cet État ukrainien avec lequel on a traité n’est qu’un fantôme d’État. Sans doute l’Ukraine est riche et possède des ressources de toute sorte, mais il faudra les partager avec l’Autriche, les paysans ne livreront pas leurs récoltes de bon cœur, et, en attendant, les moyens de transport font défaut. Un jour, on apprend que les pourparlers avec les maximalistes sont rompus et que les armées sont en marche vers Petrograd et Kiew : la paix s’éloigne. Mais, le surlendemain, Trotski a capitulé : la paix est faite. Quel triomphe pour Ludendorff ! Il a suffi de mettre en mouvement quelques divisions, et l’adversaire dont les diplomates n’ont pu venir à bout, est maintenant à genoux. Quelle leçon de choses ! On devine sur quel ton les pangermanistes la développent et la commentent.

Les villes sont pavoisées, les cloches sonnent, mais ce n’est que pour une « paix séparée, » et c’était la « paix générale » qu’on attendait. Celle-là est indéfiniment reculée. Ce traité de Brest-Litowsk fondé sur la violence contredit tous les principes affichés par les socialistes ; ils s’en désolent plus ou moins sincèrement ; ils savent, d’ailleurs, que leur protestation ne trouvera