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avec d’Enghien, avait fait de même ; et c’est à son exemple que le jeune Jacques de Castelnau, ayant entendu beaucoup vanter l’armée de la Hollande, formée par Maurice de Nassau, « où venaient, dit-on, tous les jeunes gentilshommes de l’Europe et où la discipline était plus sévère qu’en France[1], » entreprit de passer dans les Pays-Bas. Son parent, le sieur de Hauterive, l’accueillit comme volontaire.

En cette qualité, Jacques prit part à plusieurs actions et se tira avec beaucoup d’intelligence, de courage et de sang-froid, notamment au siège de Louvain et à l’assaut du fort de Schencq, près de Nimègue, de plusieurs circonstances difficiles. La nouvelle des succès de ces débuts parvint bientôt jusqu’à Paris et à la cour. Le Roi et le cardinal ne tardèrent pas d’en être instruits ; et la merveille demeure qu’à ce garçon, qui n’avait pas seize ans, Louis XIII « ordonna de lever un régiment de douze compagnies de gens de pied pour la campagne suivante. »

Cette campagne présente trop de rapports avec celle qui s’ouvrit en 1914, pour qu’on ne s’arrête pas un peu à considérer de quel péril la France, envahie par la Picardie, se trouvait menacée alors. Un peu plus, et la route de Paris était forcée ; mais l’affaire de Corbie, l’une des plus glorieuses peut-être de toutes celles qu’on ait vues se produire depuis Bouvines et avant Denain, sauva le royaume. A Corbie, le petit Castelnau accomplit des prodiges ; et, dans toute la manœuvre, il se montra si entreprenant, si brave, il fit éclater si bien dans sa conduite « ce mérite et cette passion pour le service » qu’admirait en lui Mazarin et dont ce ministre écrivit plus tard au duc d’Enghien (lettre du 7 juin 1645) que le Roi, souhaitant d’encourager un officier déjà si remarquable, ne balança pas à augmenter de huit compagnies le régiment Castelnau. Mieux encore, par faveur suprême, il entendit lui donner le drapeau blanc. Le blanc était la couleur de l’enseigne dans chaque compagnie colonelle ; et le Roi étant, par le fait, colonel-général des troupes, ce drapeau immaculé, d’un fond lilial et pur et qui se distinguait par sa blancheur même, était celui auquel, comme au panache du Béarnais, se ralliaient dans le combat les autres étendards de l’infanterie.

  1. L. DUSSIEUX : Les grands généraux de Louis XIV (1888).