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des moyens auxquels ce capitaine réfléchi, qui ne cessa jamais d’être un soldat entreprenant, avait recours le plus volontiers. « Si vous avez la hardiesse de voir ce qu’il fait, déclare le P. Cherpignon en nous le représentant au siège du Câlelet, en 1637, vous verrez qu’il enlève la pique d’un Espagnol qui défendait la place. »

Devant Fumes, plus tard, il fait mieux encore. Trahi par un fantassin allemand de l’armée de Rantzau, il va tomber dans un piège ; mais, il paye si bien d’audace et se fait voir si terrible, qu’il évite le mouvement d’une quarantaine de cavaliers venus pour se saisir de lui, les poursuit à cheval, se heurte à un millier d’autres ; puis, là, il se replie en bon ordre, et la crainte qu’il inspire est encore si grande qu’il trouve le moyen de faire des prisonniers. De toutes ces actions d’un caractère si intrépide, la plus fameuse demeure toutefois celle qu’il accomplit au siège de Cambrai. Là, sa vaillance avait failli le perdre ; et, par le fait qu’il avait eu un cheval tué sous lui, il avait été saisi comme il tombait et emmené dans la citadelle.

C’est dans cet épisode, si dangereux autant que si honorable pour lui, qu’il fit voir ce que peut une grande âme décidée à ne pas se laisser abattre. Au lieu de se livrer, comme tant d’autres l’eussent fait à sa place, à un désespoir sans raison, lui veilla au contraire jusqu’à ce que les circonstances lui eussent permis de se rendre la fortune plus favorable. Dans ce dessein, il n’eut de cesse de se tenir toujours le plus près possible des remparts ; enfin, il chercha à s’évader ; mais, les bastions de Cambrai étaient si élevés, la contrescarpe qu’il eut à franchir si effrayante, qu’il faillit plus de vingt fois se rompre le cou. Enfin, malgré des difficultés auxquelles se fussent arrêtés de moins entreprenants et bien qu’il fût meurtri et déchiré de corps et d’habits, il réussit à gagner le Câteau. « De là, ajoute Le Laboureur, il se rendit à la Cour, et le cardinal de Richelieu entendit avec tant de plaisir le récit de sa liberté qu’il le voulut avoir par écrit avec le détail de ce qu’il avait observé de l’état de Cambrai. »

L’une des marques de l’intrépidité, de « cette force extraordinaire de l’âme » dont a parlé La Rochefoucauld à propos des héros, ne se manifeste pas tant par le mépris du danger que par celui de la souffrance ; et nous avons vu, par le coup