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Sous les huées qui le poursuivent, le lamentable troupeau s’enfonce dans la nuit. Le ciel est d’un noir épais : drap mortuaire piqué de rares étoiles. Une vague clarté monte de la terre ensevelie sous la neige. Encadrées par les soldats dont les baïonnettes se dressent, menaçantes, les prisonnières cheminent péniblement. À chaque instant l’une d’elles glisse sur le verglas, tombe, se relève pour retomber quelques mètres plus loin : « Notre marche est rendue plus difficile par le fait que beaucoup d’entre nous sont chargées de leurs bagages à main. » Les Allemands ont bien envoyé une voiture pour les transporter, mais les imprudentes qui ont accepté n’ont pas tardé à le regretter : ou les bagages ne sont pas arrivés, ou ils n’ont été remis à leur propriétaire qu’après avoir été ouverts et en partie pillés. Et les Allemands ont le front de faire payer un mark cinquante pour le transport !

Le camp est à trois kilomètres de la ville. Il faut deux heures aux déportées pour les parcourir. Quand, enfin, elles arrivent, elles sont à bout. Elles franchissent les grillages qui enclosent le camp. Alors, les soldats, les ayant comptées encore une fois, les bousculent, les poussent devant eux comme du bétail. Un froid terrible règne dans les baraques où elles viennent d’entrer : « Prévenues de notre arrivée, les prisonnières du camp, des Belges, des Françaises, avaient pris soin de faire du feu : mais, à la nuit, elles avaient été bouclées dans leurs baraquements, et les Allemands s’étaient empressés de venir ouvrir nos fenêtres toutes grandes. »

Ainsi, jusque dans les moindres détails éclate la méchanceté de nos ennemis, leur volonté de faire souffrir.


Le camp de Holzminden avait été organisé pour dix mille prisonniers. Il en comptait environ cinq mille ; quand les otages féminins y arrivèrent : « La partie qui nous y fut attribuée était entourée de grillages soutenus par des fils de fer barbelés et doublés d’une haute palissade sur trois côtés. Le quatrième côté, qui donnait sur la campagne, n’était pas palissade. » Une trentaine de sentinelles armées montaient continuellement la garde. Que de fois, la nuit, il arriva aux captives d’être éveillées en sursaut par un coup de feu brusquement. tiré ! « Pour nous il y avait quatre baraquements. Chacun devait