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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/671

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les Allemands s’aperçurent subitement de l’entassement où vivaient les « otages. » Les lits furent dédoublés et le nombre des baraques, de quatre, fut porté à huit.

D’après les termes de la « convention » qui fut alors affichée dans le camp, les prisonnières auraient dû être libérées immédiatement. Elles attendirent encore des semaines !

On touche à la mi-juillet. Voilà six mois et demi que les otages ont été enlevées. « Un soir, raconte Mme V… je suis avertie de faire mes paquets et de me rendre aux « baraques noires. » Soixante-dix de mes compagnes reçoivent le même ordre. Ces « baraques noires, » — leur nom leur venait de la couleur dont elles étaient peintes, — servaient de lieu de quarantaine aux prisonnières qui quittaient le camp. Aucune de celles qui y avaient été enfermées n’en étant revenue pour raconter ce qui s’y passait, on s’en faisait, dans le camp, « un véritable épouvantait. » Sur ces mots impressionnants, « les baraques noires, » les imaginations excitées trottaient à l’envi. En réalité, sauf leur couleur, ces baraques étaient semblables aux autres : « Nous n’y sommes d’ailleurs restées qu’une nuit, dit Mme V… Dans la matinée, on nous en fit sortir. »

Sous le grand soleil, cette fois, les prisonnières refont, en sens inverse, le trajet qu’elles ont parcouru dans les ténèbres d’une glaciale nuit d’hiver.

On les fait monter en wagon. Elles roulent.

Le convoi longe des champs, des campagnes semées de bouquets d’arbres. Paysage changeant, vastes étendues ! Les prisonnières en goûtent la douceur dans toute sa plénitude. Depuis tant de mois, elles étaient condamnées au spectacle immobile de leur camp, de ses baraquements !

« Nous arrivons à Rastadt. On nous fait descendre. On nous conduit au camp. Nous ne savons pas combien de temps nous devrons y rester, mais l’on nous apprend que nous allons être rapatriées ; alors, la durée de notre séjour à Rastadt, subitement, nous devient égale. Nous n’y demeurons, au surplus, que quarante-huit heures. »

A nouveau, les otages sont embarquées. Elles atteignent la frontière suisse ; après tant d’épreuves, c’est l’émotion d’un accueil affectueux et qui trouve mille formes délicates pour se manifester. Les otages traversent la Suisse. Des cris, des chants, la Marseillaise : c’est la France !