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à une haute tâche et « la fierté de sentir sur les plus humbles fronts le rayon d’une grandeur commune[1]. » Il s’y ajoute ce goût du « beau travail » que nos soldats partagent avec nos artisans. Puisque l’effort était nécessaire, qu’il ait du moins toute sa beauté !

L’amour-propre, au sens le plus élevé du mot, rejoint ici le sentiment de l’honneur. « Le naturel d’un vrai Français, disait François Ier au témoignage de Brantôme, porte qu’il soit, à la bataille, prompt, gaillard, actif et toujours en cervelle. » François Ier reconnaîtrait les siens à ce « point d’honneur » qu’ils ont d’exceller dans les combats… Pour être « distingués, » ils veulent d’abord « se distinguer. » Sensibles à l’honneur, ils ne sont pas insensibles aux honneurs, mais ils veulent qu’il en soit la première condition. Et l’histoire recueillera le mémorial sanglant de leurs « citations » innombrables qui sont comme les versets d’héroïsme d’un hymne immense à l’honneur et à la patrie…

Cet amour-propre exalté qui semblerait devoir réserver son aiguillon aux sentiments individuels, voici que l’esprit de corps en fait une force collective d’une incomparable puissance-Chaque groupe de soldats « tient à honneur » de parfaire sa tâche avec l’orgueil que nul autre n’aurait pu faire mieux. Surexcité par une noble émulation, l’esprit de corps devient ainsi le ferment des plus héroïques sacrifices. Ce n’est plus le soldat qui vit, c’est le bataillon, le régiment qui vit en lui. Les victoires passées, écrites aux plis de l’étendard, réclament d’être suivies de nouveaux noms. Le drapeau n’évoque plus seulement toute la France, mais encore le groupe d’hommes qui, sous ses plis, ont combattu ou combattront. Troué comme une poitrine, on le décore comme elle. Il faut s’ingénier à trouver, pour symboliser les exploits incessants qu’il abrite, des insignes toujours nouveaux. Et quand la France, après1 trois années de guerre, veut s’affirmer à elle-même sa grandeur et se justifier ainsi sa foi dans l’avenir, il lui suffit, en sa fête nationale, de s’entourer, une heure, du manteau de gloire de tous ces drapeaux.

  1. Etienne Lamy. Rapport sur les concours de 1914.