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vieux a radoté. » Moi, je serai mort ; mais je crains bien qu’elle ne voie encore éclater une guerre, la plus terrible que le monde ait jamais vue. Avec les forces partagées comment ? Je n’en sais rien, mais je suis sûr, absolument sûr, que le premier coup partira du côté allemand. »

Une conversation adroitement conduite avec le comte Munster, représentant de l’Allemagne, ne rassura pas la comtesse. Munster ne cachait pas que l’arbitrage lui paraissait une utopie, que les chancelleries étaient bourrées de conventions sur parchemins dont le résultat le plus sérieux était d’avoir fait plaisir à tous ceux qui les avaient signées. Tous ses propos respiraient le sentiment de la force et le culte de la victoire. A une question plus pressante : « L’Allemagne nourrirait-elle donc des pensées d’agression, comte Munster, pour que vous parliez comme vous le faites ? » il avait répondu : « Madame, vous m’en demandez trop ; je suis un diplomate et non un soldat. Mais je crois qu’une guerre ferait du bien au monde en général. Et ce que je sais, c’est que l’épée de l’Allemagne bondira hors du fourreau le jour où quelqu’un osera lui contester son droit d’être la première parmi les nations, car nous sommes prêts. Nous sommes la seule Puissance, — et peut-être, l’Autriche, — qui ne soit pas endormie à l’heure présente. »

Pour calmer l’inquiétude ainsi éveillée, il fallait obliger le délégué de l’Autriche à découvrir le fond de sa pensée. Ce Welsersheimb, honnête et médiocre, s’exprimait avec une certaine candeur. Il était de ceux qui auraient voulu, dans la double monarchie, ne se jeter ni trop vite ni trop fort à la suite des pangermanistes. Leur clique bruyante l’effrayait un peu. Mais il pensait que les éléments germaniques en Autriche étaient menacés par les éléments slaves et hongrois, et il admettait d’ailleurs que la politique de la double monarchie reposait sur l’espoir de balayer un jour les petits États balkaniques, avec l’aide de l’Allemagne et de la Turquie : c’était là, ajoutait-il, l’arrière-pensée de la nouvelle politique orientale de l’Autriche. Tout cela ne laissait pas de lui paraître très compliqué, très délicat, mêlé de beaucoup d’incertitudes et de périls : l’Allemagne laisserait-elle l’Autriche jouir de sa victoire ? La Russie n’interviendrait-elle pas ? Et ne fallait-il point se méfier des Hongrois, des Polonais, des contingents slaves, qui avaient des sympathies russes, et des Italiens qui trahiraient ?