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Welsersheimb était de la vieille école, celle de l’expectative. La Belgique, en la personne de M. Bernard, se montrait parfaitement tranquille, à l’abri de sa neutralité, et tenait pour la paix, parce que les petits États n’ont qu’à pâtir des querelles des grands. Et la France ? Ses délégués, Mme Léon Bourgeois et d’Estournelles de Constant, voulaient croire au succès et écartaient avec bonhomie toutes les raisons de craindre : « Bah ! le premier pas est fait ; le reste viendra tout seul. » Cette confiance trop optimiste atteste que nos honorables délégués prêtaient généreusement aux autres la pureté de leurs intentions ; ou bien, peut-être, essayaient-ils de se persuader ce qu’ils voulaient croire, parce qu’ils avaient besoin de croire pour agir.

Olga Okoliczanyi avait besoin de croire pour vivre. Il fallait aussi qu’elle se persuadât elle-même, qu’elle écartât l’idée mortellement douloureuse d’une guerre entre la Russie, patrie de sa mère, qui était aussi la patrie de. son cœur, et l’Autriche-Hongrie, à laquelle elle appartenait maintenant par sa naissance et par toutes les conditions de sa vie sociale. A vingt-deux ans, en 1902, elle perdit sa mère. Son père lui imposa une charge à la cour, et de 1903 à 1906, elle exerça, comme nous l’avons dit, les fonctions de dame d’honneur auprès de l’archiduchesse Isabelle. Elle vit alors quelque chose de la politique de mensonge qui caractérise l’Autriche, Austria mendax. Et c’est tout ce qu’elle veut nous rapporter.

Elle ne prétend point « écrire une chronique scandaleuse de la Cour d’Autriche, bien qu’il y aurait beaucoup à raconter à cet égard. » Elle veut « servir la Russie, et lui montrer comment, longtemps avant que la guerre éclatât, le sentiment que l’Autriche éprouvait pour elle était celui d’une inimitié jalouse. » Elle veut convaincre les socialistes extrémistes eux-mêmes qu’il n’y a, à l’origine de celle guerre, aucun impérialisme de notre part, aucune politique agressive, mais une dure nécessité, subie à contre-cœur, et qui nous a été imposée, après avoir été longuement voulue et préparée par l’Autriche et l’Allemagne. »

L’auteur de ces souvenirs se félicite aujourd’hui que l’archiduc Frédéric ait été aussi complètement dépourvu de tact, sans quoi il ne se serait pas exprimé comme il le faisait sur la Russie. Pendant la guerre russo-japonaise, il trouve la jeune dame d’honneur penchée sur les journaux et cherchant à y découvrir enfin quelque meilleure nouvelle. « Eh bien ! ma