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M. DENIS à Mme Denis :

Tu te rappelles la guerre de 1870, le siège… nous avons attendu quarante-huit ans ! maintenant, orna chère vieille, nous pouvons mourir.

Mme DENIS.

Je ne peux pas croire que c’est vrai, je suis toute tremblante. Nous aurons vu ça ! nous aurons vu ça !

UNE FEMME.

Ce matin, avenue de Clichy, quand les cloches ont sonné, les marchandes qui vendent des fleurs, le long du trottoir, dans de petites voitures, ont jeté toutes leurs fleurs aux soldats.

UNE FEMME.

En fait de cortège, avez-vous vu, avenue des Champs-Élysées, ce cortège de mutilés ? Ah ! ces manches vides, ces béquilles. Ç’a été plus fort que moi, je suis tombée à genoux sur leur passage.

UN MONSIEUR.

Je viens de la séance de la Chambre : c’était admirable ! Tous les députés, debout, ont chanté la Marseillaise.

UN PRISONNIER RAPATRIE.

Ah ! surtout qu’on n’oublie pas trop vite : j’ai été dans un camp de représailles. On ne peut pas s’imaginer combien ces gens-là peuvent être bassement cruels et férocement lâches. Ils sont méchants, il n’y a rien à faire. Qu’une caste militaire ait pu insulter, torturer jusqu’à les faire mourir, des soldats malheureux, sans défense, c’est la honte de leurs armes. Oui, leur militarisme, c’est bien la barbarie savante, et leur culture l’abjection organisée.

UN AVEUGLE à la Dame blanche qui le conduit :

Dites-moi bien tout ce que vous voyez ; votre voix, vos paroles, ce sont mes-yeux.

QUELQU’UN.

Pauvre homme ! cela ne lui rendra pas la vue.