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L’AVEUGLE, qui a entendu :

Ce n’est pas pour rien que je l’aurai perdue.

MADAME FOULE.

Vive l’armistice ! Vive la paix ! Vive la France ! Vive la République ! Vivent les Alliés ! Vive Foch ! Vive Clemenceau ! Allons, enfants de la patrie !… Quand Madelon vient nous servir à boire… Fallait pas qu’ils y aillent.


Neuf heures et demie. Sur la place, dans l’avenue, sur les boulevards, des milliers de personnes serrées, pressées, attendent l’apparition de Mlle Chenal au balcon de l’Opéra. Elle apparaît en robe toute blanche, avec, dans ses cheveux, le large ruban noir des Alsaciennes. En face, très éclairée, l’Alsacienne de l’affiche pour l’emprunt de la Libération continue d’inviter les citoyens à souscrire. Un grand silence se fait ; Paulette elle-même ne crie plus. Et vers le sombre ciel semé d’étoiles, « vers le ciel pareil aux cuirasses brunies que hérissent des clous d’argent, » une voix haute, claire, large, lance l’appel vibrant :

Allons, enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé.


Des milliers de voix reprennent le refrain en chœur. L’émotion est formidable ; minutes immenses, religieuses, où l’homme est quelque chose de plus que l’homme, où s’exprime en un chant d’actions de grâces enflammé l’âme d’un peuple délivré.


MAURICE DONNAY.