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manquée, ne préconisait l’abandon de la lutte que pour préparer la revanche.

En une semaine, sous le vent de la défaite militaire, sous l’explosion de la détresse économique et des souffrances de tout ordre trop longtemps supportées, les bases, naguère si solides, des États allemands ont paru ébranlées. Le gouvernement, du jour est formé de députés socialistes, à qui naguère aucun fonctionnaire du gouvernement n’eût osé adresser la parole en public, sous peine de risquer sa place ; mais ces fonctionnaires restent en place sous le nouveau gouvernement. Nous savons qu’il y a eu dans les grandes villes allemandes des révoltes ouvrières et, fait plus grave, que l’indiscipline règne dans une bonne partie de l’armée. Nous ignorons l’importance et le degré de généralisation de ces désordres. La contagion de l’anarchie russe gagnera-t-elle le pays le plus discipliné qui fût au monde ? Le gouvernement provisoire actuel devra-t-il bientôt céder la place à des éléments d’un socialisme plus avancé ? Et surtout, quel sera le terme final de la transformation de l’Allemagne ? État fortement centralisé ou constitution fédérative ? Parlementarisme bourgeois, bolchevisme ou réaction ? Sur tous ces points si graves aucune réponse n’est possible.

Un seul fait, dès maintenant, semble acquis. La guerre et la révolution ont fait franchir à l’Allemagne un nouveau pas vers l’unité politique, sur la voie de laquelle 1806, 1813 et 1871 ont marqué les principales étapes. L’uniformité des constitutions proclamées dans les différents États, la réunion prochaine d’une Assemblée constituante unique, dont rien ne limitera les pouvoirs, ouvrent à cet égard des perspectives qui ne paraissent guère douteuses.

Le démembrement de l’Autriche ajoute à cette Allemagne unifiée l’apport de neuf millions de nouveaux nationaux. La République allemande d’Autriche s’est proclamée « partie intégrante de la République allemande. » Demain la Conférence de la Paix se trouvera en présence d’un fait accompli. Essaiera-t-elle d’élever artificiellement, entre les diverses fractions de la Plus grande Allemagne, des barrières politiques. L’histoire montre combien de telles décisions de la diplomatie sont impuissantes contre la volonté des peuples.

Quoi qu’il puisse advenir, nous autres militaires, nous avons pour règle dans nos prévisions de raisonner sur l’hypothèse la