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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/826

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d’amnistie. Tous ces efforts étaient restés sans résultat appréciable.

Longtemps les Allemands avaient espéré qu’avec la disparition des vieilles générations, l’opposition nationale s’atténuerait. Or, plus on allait et plus l’antithèse entre deux races, qui ne pouvaient se comprendre, s’accentuait. À la veille de la Grande Guerre, nos jeunes gens étaient plus éloignés par l’intelligence et par le cœur des fils d’immigrés que nous ne l’avions été des premiers Allemands venus s’installer dans le pays. Il y avait antinomie complète entre nos inclinations. La durée des fréquentations ne faisait que l’accuser chaque jour davantage. À tous les degrés de l’échelle sociale, on retrouvait les mêmes contrastes.

Depuis que les pratiques de guerre des Allemands sont connues, on comprendra mieux comment en temps de paix ils n’arrivaient à provoquer que la haine et le mépris. Imbus de préjugés de race monstrueux, persuadés de leur incomparable supériorité intellectuelle et morale, accoutumés par ailleurs à se soumettre sans réflexion aux ordres de leurs chefs, persuadés que, grâce à leur discipline et à leur talent d’organisation, ils avaient la mission de régénérer le monde, ces insupportables pédants, doublés d’adorateurs de la force brutale, ne pouvaient que remplacer la persuasion par la contrainte. Non contents d’obtenir l’obéissance extérieure aux lois, ils essayaient constamment de cambrioler les consciences. L’acceptation résignée du fait accompli ne leur suffisait pas. Ils demandaient aux Alsaciens-Lorrains d’admirer la Germanie et de se déclarer heureux d’y appartenir. Et cette déclaration, ils exigeaient qu’elle fût répétée à tout propos et hors de tout propos. Pour un peuple fier, énergique et indépendant, comme celui de l’Alsace-Lorraine, ces prétentions étaient exaspérantes. J’ai connu des ralliés de la première heure qui, dégoûtés de cette surveillance de tous les instants, de ces perpétuelles incursions dans le domaine de la vie privée, nous revenaient en disant : « Non ! décidément, il n’y a pas moyen de vivre avec ces gens-là ! »

Qu’on ne s’imagine pas naïvement que la défaite transformera la mentalité allemande. Le virus a trop profondément atteint les moelles de la nation pour qu’on puisse espérer et attendre une évolution rapide. Pendant un demi-siècle, le Ger-