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LA
RANÇON DE NOS CATHÉDRALES


I

L’ennemi a été chassé de notre sol qu’il a couvert de ruines innombrables. Plus de mille églises, cent cinquante mille maisons, quinze cents villes et villages ont été bombardés systématiquement, avec cette férocité joyeuse que les Allemands ont appelée eux-mêmes, la Schadenfreude, « la joie de mal faire. »

Henri Heine l’avait bien prédit, dans son amère et dédaigneuse compréhension de la mentalité réelle de ses compatriotes, lorsqu’il annonçait que le marteau du vieux Thor viendrait fracasser nos cathédrales ogivales. Mais comme il était loin de compte avec l’atroce réalité présente ! Le vieux Thor, au marteau d’airain, qu’il entrevoyait dans ses rêveries prophétiques, semblerait un enfant, à côté du monstre aux cinq millions de têtes qui s’est rué sur notre territoire avec la volonté, bien arrêtée, d’en faire un désert total.

Rien ne traduit mieux cet état d’esprit que le fameux article du Berliner Tageblatt, du mois de mars 1917, expliquant pour le régal de ses lecteurs d’outre-Rhin le processus de la méthode qu’employait déjà Attila, et qui fut aggravée par les armées allemandes en retraite, dans leur œuvre d’anéantissement de toute une grande région française.


C’est le comble de la destruction qui a été réalisé ici. Tout a été abattu à coups de hache ou encore scié ; les arbres et les buissons sont tombés, et cela a duré des jours et des jours jusqu’à ce que tout ait été rasé.

Il ne fallait laisser dans cette région ni un abri, ni un toit ; il faut que l’ennemi cherche en vain de l’eau. Tous les puits sont détruits ;