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allemande, sans tenir compte des dates ni des noms de ses créateurs.

Quand la grande ligne de notre histoire artistique sera dégagée de ces fables, redressée entre des dates sûres et jalonnée par des œuvres d’art trop longtemps méconnues ; lorsqu’on enseignera chez nous, preuves en main, que notre France a un passé qui ne redoute aucune comparaison par ses arts si variés, par l’immense expansion d’un style né, exclusivement, dans l’Ile-de-France, et maintenu dans sa suprématie, malgré sa constante évolution, jusqu’à notre époque d’apparente décadence, on comprendra mieux toute la valeur artistique et morale de ce qui fut détruit systématiquement par l’ennemi héréditaire, dans un dessein qui se préciserait, alors, plus fortement.

Lorsqu’on se souvient de l’infiltration des théories germaniques dans le groupe, encore restreint, des artistes français, conduits, de sécessions en concessions, vers cette négation des qualités de notre tradition artistique, que soutenait un syndicat cosmopolite de marchands, et qu’on rapproche ces emprises d’avant-guerre du fait brutal de la destruction de nos vraies gloires du passé, on ne peut qu’être frappé par l’astuce d’un plan d’hégémonie, qui cherchait à annihiler notre suprématie française, pour la plus grande gloire de l’Art allemand.

Après avoir annexé les van Eyck, tous les Flamands, Holbein et jusqu’à Rembrandt dans des ouvrages de vulgarisation artistique, leurs docteurs, — avec von Bode, « le Bismarck des directeurs de musée, » à leur tête, — eussent tôt fait d’annexer définitivement l’Art français, à l’aide d’arguments sans réplique, puisque les témoignages de nos monuments auraient été détruits.

Aussi, pour apprécier l’étendue du désastre de Reims, est-il indispensable d’expliquer la valeur intrinsèque de ce qui est irrémédiablement détruit, à l’aide de points de comparaison pris dans l’histoire générale de l’art.

Certes, le gros œuvre de la basilique a beaucoup souffert. Des pinacles, des voûtes, des croisées d’ogive, toute « la forêt, » une partie importante de la tour du Nord et des arcs-boutants sont à jamais détruits.

Mais il faut reconnaître que les plus grandes parties de ces dévastations peuvent être reconstituées sans nuire au respect,