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découverte vient de surgir chez nous. C’est une chose qui aura les applications pratiques les plus vastes, en même temps qu’elle nous ouvre des aperçus étonnants sur le mécanisme de la vie elle-même.

Je veux parler des greffes mortes, réalisées par deux savants français, M. Nageotte, professeur d’histologie au Collège de France, et M. Sencert, professeur agrégé de chirurgie à la Faculté de Médecine de Nancy. Il faut retenir ces deux noms, car, comme j’espère le montrer brièvement, et, par la force des choses, un peu superficiellement, dans ces pages, leurs recherches récentes marquent une date dans la Science.

On connaît les admirables travaux de Carrel, de ce jeune Français qui a trouvé dans la libre Amérique les moyens matériels de réaliser ses idées originales. Il les a réalisées à un âge où la bureaucratie scientifique française n’eût pas manqué, s’il était resté ici, de les juger scandaleuses et antiadministratives. Il a grandi à l’étranger la gloire du nom français par ses beaux travaux sur la culture des tissus vivants, sur la greffe, enfin et plus récemment sur le traitement des plaies de guerre. J’ai déjà eu, en particulier, l’occasion de parler ici même de ses travaux si remarquables sur la greffe d’organes divers et en particulier de vaisseaux conservés vivants par divers dispositifs, et notamment par le froid, au moyen du procédé appelé par Carrel « cold-storage. » Ces recherches ont eu un retentissement mondial, et elles ont contribué à faire attribuer à leur auteur le prix Nobel.


C’est dans cette voie, — car il n’est dans la science édifice si parfait soit-il où quelque jour une pierre nouvelle ne puisse être utilement ajoutée, — que Nageotte et Sencert viennent à leur tour de s’engager, et on va voir que leur découverte complète et amplifie de la manière la plus imprévue et la plus riche de conséquences, les résultats si brillamment obtenus par Carrel.

Cette découverte, je veux la résumer d’un mot avant d’en expliquer l’origine et les modalités ; il est possible de greffer d’un animal à l’autre (et l’homme est zoologiquement un animal) des organes divers sans que ces organes soient conservés vivants ; bien plus, les greffes mortes paraissent prendre mieux que les greffes vivantes ; elles subissent dans l’organisme où elles sont fixées des transformations qui leur font subir une véritable résurrection, une reviviscence dont le mécanisme étonnant ouvre des perspectives imprévues à la biologie.

Et maintenant, — car rien n’est plus passionnant et plus suggestif