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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/96

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diplomatie, soit faiblesse, ne se prononça pas clairement sur cette proposition qui allait subitement déplacer l’équilibre des forces. Le sous-ataman, le général Bagaevsky, flairant le danger, essaya de décider le kroug à n’admettre comme électeurs que les paysans. Mais on passa outre. Les ouvriers et la petite bourgeoisie eurent droit de vote. Le gouvernement du Don, représenté jusque-là par 8 Cosaques, compta au mois de janvier 15 membres, dont 7 socialistes, inclinant au maximalisme ; ceux-ci firent tout le possible pour mettre fin à la guerre, amnistier les Bolcheviks, punis ou exilés, etc.

Depuis le 15/28 janvier, une dizaine de régiments, parmi lesquels deux régiments de Cosaques de la garde, se révoltèrent contre l’ataman, élurent un comité révolutionnaire sous le soldat Podziolkof, et exigèrent la démission intégrale du gouvernement, ataman inclus, et le renvoi immédiat de l’armée de volontaires. Les dix régiments occupèrent Likhaya, Zwierewo, Makéevka et d’autres nœuds de chemin de fer importants. Impuissant à maîtriser ce mouvement, et ne disposant d’aucune force contre les rebelles, le gouvernement promit de convoquer un nouveau kroug.

À ce moment, où l’édifice de l’État semblait près de s’écrouler dans la défection des hauts dignitaires, généraux et députés, un seul homme fit face au danger. Le colonel Tchernetzof, encore jeune et d’une bravoure inouïe, attaqua les Cosaques avec son détachement de 400 jeunes gens, lycéens, étudiants, Cadets, officiers, occupa Zwierewo, Likhaya, chassa les frontowicki de partout, bouscula les dix régiments de Cosaques, et rétablit en deux jours la situation chancelante de l’ataman. Il battait partout, — à raison d’au moins une bataille par jour, — des troupes de métier, dix fois supérieures en nombre, mais moins décidées, et surtout moins bien conduites, et acquit en quatre jours une magique renommée.

Le 25 janvier/7 février, il attaqua avec trente hommes un millier de Bolcheviks, rencontrés au cours d’une reconnaissance, et eût, cette fois encore, remporté une de ses incroyables victoires, s’il n’eût été blessé. Je tiens de ses hommes qu’ils l’ont vu tomber, mais aussitôt se relever, s’élancer sur un cheval, et disparaître. Les Bolcheviks prétendant l’avoir pris et tué, et avoir gardé sa tête pendant deux semaines fixée à une baïonnette dans la salle de réunion du comité