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révolutionnaire de Millerowo. Mais ses « partisans » assurent qu’il est vivant, et qu’il n’attend que sa complète guérison pour se joindre à ses braves troupes. Au moment où j’écris, ils se refusent à se laisser dissoudre et verser dans un autre détachement. Le colonel Tchernetzof continue à mener ses hommes au combat !

Le jour où le bruit se répandit que Tchernetzof avait disparu, le prestige du gouvernement s’écroula, et cette fois définitivement. Le lieutenant-colonel Goloubef, qu’on avait connu très conservateur avant la révolution, prit le commandement des Cosaques rebelles. Il avait été arrêté par Kalédine, puis relâché après avoir donné sa parole qu’il ne tenterait plus rien contre le gouvernement.

Kornilof, qui espérait encore que les vieux Cosaques écouteraient l’appel de leur chef, envoya un bataillon à Nowo-Tcherkask. Les stanitzas promirent d’envoyer des troupes, mais elles n’en firent rien. L’armée de volontaires n’avait pas été créée pour sauver le Don contre la volonté de ses habitants, mais pour établir un « gouvernement national » en Russie. Elle était maintenant dans une terrible position : sévèrement menacée du côté de Taganrog, et mise en danger par l’inutile attente de renforts cosaques qu’on avait escomptés et qui n’arrivaient pas. Kornilof retira le bataillon de Nowo-Tcherkask, et manifesta l’intention de quitter le Don.

Ce fut le dernier coup porté à Kalédine.

Les rares troupes qui lui étaient restées fidèles tenaient la voie ferrée. La nouvelle que Goloubef approchait de Nowo-Tcherkask.du côté de l’Ouest, le prit au dépourvu. Une panique s’empara des habitants. Kalédine se sentit abandonné. Une orageuse séance du kroug finit de lui enlever toute l’autorité sur l’assemblée. C’est alors qu’il décida de se brûler la cervelle.

Ce que le grand ataman des Cosaques du Don avait été impuissant à faire, revêtu du grand appareil de sa dignité, il faillit le faire, sous le catafalque où il reposait dans la cathédrale de Nowo-Tcherkask, au milieu d’une foule en pleurs, tandis que les vieux chefs de guerre renouvelaient leur serment de sauver le pays de leurs pères.

La légende du Don refleurit encore une fois pour quelques jours ; puis elle s’est évanouie à jamais.