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A deux heures, nous quittons nos wagons, et nos 170 hommes se disposent en tirailleurs, sur deux lignes, front vers Kamenolomnia. Il y a deux pieds de neige ; sous un ciel couvert, une brise glacée nous souffle au visage. Un message nous parvient du capitaine Kargaïski : avec ses 150 cavaliers cosaques, il est arrivé à la hauteur de Kamenolomnia. Le colonel Sémiletof, avec ses 200 fantassins et 30 cavaliers, a été arrêté par la rivière l’Atioukla, imparfaitement gelée. Quatre ou cinq hommes seulement ont réussi à passer et à couper la voie entre Alexandre-Grouchevsky et Kamenolomnia.

A quatre heures, nous recevons l’ordre de marcher résolument sur cette dernière gare. J’accompagne la 1re sotnia du capitaine Kornilof, et choisis ma place à côté du lieutenant de vaisseau Diakof, volontaire, commandant la 2e section.

La marche est difficile, et on ne peut reprendre haleine que sur les plateaux d’où la neige a été balayée par le vent. A la traversée des vallées, il faut former des équipes pour traîner nos six mitrailleuses. Pendant cette surprenante marche de sept heures, nous sommes continuellement sous les vues de l’ennemi qui nous envoie des obus de tranchée. A gauche, devant nous, des cavaliers que nous supposons être les Cosaques de Kargaïski.

A neuf heures, nous rejoignons la voie ferrée où nous retrouvons les colonels Cherifkof et Mamontof. La première sotnia se place à gauche, la deuxième à droite de la voie ferrée. Je suis à côté du capitaine de cavalerie Kornilof, qui commande la première. Les commandants de section sont les lieutenants Touloveriof et Poudlovsky en première, et Samochine et Diakof en deuxième ligne.

Devant nous, rien dans la nuit noire que les silhouettes sombres de fermes en groupes compacts, et de bois touffus, d’où commencent à sortir des milliers de coups de fusil tirés au hasard.

Le capitaine Kornilof et moi, debout, dirigeons l’avance de la sotnia. Dans l’obscurité qui nous enveloppe, impossible de distinguer aucun objectif. Kornilof donne l’ordre : « Feu à volonté ! » Nous avançons par bonds d’une cinquantaine de mètres, que Kornilof fait précéder chaque fois de tirs de mitrailleuse. Nous n’avons plus qu’une seule mitrailleuse en état, toutes les autres, ayant été abîmées pendant la route ; nos