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mêmes ne seront pas prises à la majorité. La Conférence n’est point une assemblée parlementaire ; il n’y aura de résolution que sur les points où l’unanimité aura été acquise ; et cela nous promet des jours et des lendemains. Mais, s’il n’importe guère pour la décision, il importe beaucoup pour la discussion. Heureusement, le règlement adopté prévoit des commissaires ou conseillers techniques, que la Conférence pourra entendre pour s’éclairer.

La première question inscrite à l’ordre du jour a été celle qui concerne la responsabilité des auteurs de la guerre : « Je n’ai pas besoin de vous en exposer la raison, a dit M. Clemenceau : si nous voulons établir le droit dans le monde, nous pouvons dès aujourd’hui, puisque nous avons la victoire, appliquer les sanctions du droit. Nous vous les demanderons contre les auteurs des crimes abominables commis pendant la guerre. » La seconde question abordée est celle de la Société des Nations. M. Léon Bourgeois, qui est chargé de l’élucider, a déjà conféré ou s’apprête à conférer à ce sujet avec M. le Président Wilson, lord Bryce. lord Robert Cecil, et d’autres. Plusieurs rencontres ultérieures sont prévues. De Rome va venir un secours précieux, M. Scialoja, juriste de sens latin, à l’esprit ferme et pensétrant. A Dieu ne plaise que nous médisions de la future société ou ligue des nations ; moins encore des sanctions à poursuivre contre les auteurs de la guerre. Nous avons toujours pensé et écrit ici, avant que la victoire et la paix fussent en vue, qu’un immense progrès serait réalisé si l’on arrivait à établir, pour des crimes comme celui de l’empereur Guillaume, de l’état-major allemand et de la nation allemande, des sanctions pénales de droit international. Mais enfin le public a l’impression, — et peut-être n’est-ce pas pure irrévérence, vieille habitude de fronde, peut-être ne se trompe-t-il pas tout à fait, — que la Conférence s’engage sur l’accessoire et évite, esquive ou écarte le principal. S’il ne s’agissait d’une réunion aussi majestueuse, on dirait familièrement qu’elle « tourne autour du pot. » Sans doute, c’est l’urne du Destin, sur laquelle nul ne doit porter une main téméraire. Néanmoins, il faudra bien en soulever le couvercle et en répandre le contenu. Sanctions pénales, Société ou Ligue des Nations, soit, qu’elles soient, adveniant ! Mais les questions territoriales ? Ne sont-elles pas les questions préliminaires ? Ne sont-elles pas, à parler très exactement, en architecte ou en maçon, les questions fondamentales ? Sinon, si elle ne les a pas traitées et résolues au préalable, la Conférence ressemblera à un homme qui veut bâtir, et à qui il ne manque que le terrain.