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Ce n’est même peut être pas directement sous leur aspect territorial que la Conférence ou plutôt les gouvernements des cinq grandes Puissances et leurs experts militaires ont commencé à étudier le problème polonais et le problème russe. On sait à quoi leur méditation a abouti. Pour la Pologne, une Commission de huit membres va être expédiée, afin de se renseigner sur place. Pour la Russie, les Puissances associées invitent, sur la proposition de M. Wilson, « tout groupe organisé qui exerce actuellement ou qui tente d’exercer une autorité politique ou un contrôle militaire, où que ce soit, en Sibérie ou dans l’intérieur des frontières de la Russie d’Europe, telles qu’elles étaient avant la guerre qui vient de s’achever (excepté en Finlande et en Pologne) à envoyer des représentants dont le nombre ne dépasse pas trois pour chaque groupe à l’Ile des Princes (mer de Marmara), » afin de s’expliquer et de se mettre d’accord. Ne critiquons pas, ne récriminons pas ; taisons, dissimulons que cette motion a le grave inconvénient de reconnaître implicitement comme un groupe organisé, avec qui l’on peut avoir des relations, le prétendu gouvernement, le soi-disant parti, au vrai la bande des bolcheviki. Si l’accord s’établit entre tous ces porte-paroles, si seulement ils sortent tous vivants de leur colloque, qu’on ne cherche plus l’emplacement du biblique Eden : le paradis terrestre était dans l’île de Prinkipo. Mais quoi ! On en est là ! On n’en est que là ! A se renseigner ? A recueillir des avis ? A faire des enquêtes ? Mieux vaut le dire, à l’honneur des Puissances alliées ou associées : elles ne se sont pas à ce point laissé surprendre par la paix. Toutes l’ont plus ou moins préparée et fait préparer. Des travaux qu’on dit remarquables, émanant de personnes compétentes, existent : il n’y a qu’à les utiliser.

La paix, comme la guerre, a ses pessimistes. Il n’est pas, dès maintenant, rare de rencontrer des gens qui hochent la tête, haussent les épaules et vous glissent à l’oreille : « La Conférence part mal. » Tout ce qu’il est permis et équitable de dire, c’est qu’elle ne part pas vite, et qu’elle ne part pas droit. Or, nous n’ignorons pas qu’il y a deux écoles, mais nous sommes de celle qui professe qu’il faut faire vite. Ne nous pressons pas, conseille l’autre. La force des choses travaille, et, d’elles-mêmes, les solutions mûrissent. Se hâter, brusquer ? Ou « donner du temps au temps ? » Vieille querelle ; mais à cette heure où l’on se flatte de créer un monde nouveau, rien n’est aussi neuf qu’on le croit. Il n’y a toujours pas une nouvelle terre ni une nouvelle humanité sous le. soleil. En dépit de la publicité de quelques-unes de ses séances, il serait piquant de constater combien