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républiques d’un même modèle le nombre des États particuliers, nous ôte dix-sept de ces chances ; et, quelque faibles qu’elles fussent, quelque peu de fonds qu’il y eût, à faire sur elles, quoique, pratiquement, on ne se fût jamais aperçu qu’elles pussent jouer, c’est néanmoins autant de perdu. La désagrégation n’est qu’apparente, d’une apparence qui n’est qu’un leurre ; en réalité, l’Allemagne resserre sa structure intérieure, tan. lis qu’elle cherche à étendre son aire territoriale : par deux opérations contraires, elle augmente à la fois sa densité et son volume. Organisation concentrée, population accrue ; demain, si elle y réussit, si le projet de M. Preuss, ou tout autre projet analogue, est adopté, nous n’aurons pas devant nous moins de force allemande, nous en aurons très probablement davantage.

C’est justement pour doter l’Allemagne d’une Constitution de ce genre que l’Assemblée nationale vient de se réunir à Weimar. Le choix symbolique de cette ville saxonne, en une occasion aussi solennelle, n’a pas été sans soulever les protestations de la capitale doublement découronnée. Tous les témoins sont unanimes à rapporter qu’un peu partout, retentit le fameux cri : « Los von Berlin ! Séparons-nous de Berlin ! » Mais prenons garde que cela ne veut pas dire : « Séparons-nous de l’Allemagne ! » bien moins encore : « brisons et divisons l’Allemagne ! » Ebert et Scheidemann l’ont expliqué : le gouvernement ne s’éloigne de Berlin que pour y revenir, « espérant qu’ainsi Berlin retrouvera rapidement la place à laquelle il a droit dans l’Empire. » Maintenir l’unité de l’Empire, et porter l’unité allemande au delà des frontières de 1914, est une espèce d’obsession, d’hallucination universelle. Le chef du gouvernement bavarois lui-même, Kurt Eisner, n’y résiste pas ; et, hier, le socialiste majoritaire, le socialiste impérialiste David, affirmait, avec une énergique franchise : « L’unité de l’Allemagne doit être inscrite en tête de tous les programmes. Quand je dis : l’Allemagne, j’entends non seulement tous les États fédéraux qui la composaient avant la guerre, mais encore les pays allemands de l’ancienne Autriche. Ainsi notre patrie sortira de cette guerre non pas diminuée, mais plus grande et plus forte, et c’est ce qui doit être. »

Le dessein est avoué, le but est découvert Ce que dît le camarade David, le camarade Ebert le fait. Dans une réunion préparatoire qui s’est tenue le 4 février à la « Maison du Peuple » de Weimar et qu’il présidait, il a annoncé sans ambages que, « immédiatement après le 16, dès que les élections populaires en Autriche allemande seront terminées, une délégation de la fraction majoritaire autrichienne