lui-même à Mme de Lacan : « Quoi que vous pensiez, oui, je crains que votre affection ne soit trop humaine… Et ici-bas, voyez combien de différences les devoirs, l’état, les bienséances doivent mettre dans l’expression du même sentiment. Je ne dois pas même m’abandonne à tous ceux que vous m’inspirez ; j’en dois être le maître ; je dois les contenir dans certaines limites, sous peine de manquer à l’esprit comme aux devoirs de ma vocation. Le trouble même ne doit pas arriver jusqu’au cœur d’un prêtre. Vous m’accusez, et Dieu peut-être me fait des reproches bien différents. Vous le dirai-je ? même d’homme à homme, où la réserve est moins nécessaire, il y a une mesure chrétienne d’affections que je crains quelquefois de passer[1]… »
Ces scrupules, cette docilité faut le plus grand honneur à la gravité sacerdotale de Lamennais. Ceux-là mêmes qui, pour caractériser la nature de l’affection qu’il portait à Mme Cottu, seraient tentés de parler d’ « amitié amoureuse, » doivent convenir que jamais cette amitié ne dépassa certaines limites, et qu’elle a toujours été modifiée par « ce respect délicat qui interdit presque tout ce qui ressemblerait à l’abandon[2]. » Est-il même bien sûr que cette interprétation n’aille pas au delà de l’exacte réalité ? Car enfin, si l’abbé Carron avait eu des craintes sérieuses pour l’âme de son pénitent, on ne s’expliquerait guère qu’il n’eût pas interdit les échanges de lettres et les longues visites : or, il n’en a rien fait. D’autre part, si Lamennais a certainement regretté ses allées et venues à Cernay, il ne semble pas qu’il en ait souffert outre mesure. N’écrivait-il pas quelques jours après l’intervention de l’abbé Carron, à son ami Benoit d’Azy : « Je passe mes jours dans ma chambre, je ne sors point et ne vois personne que le dimanche. Cette vie me convient mieux que celle de Cernay. Je n’y allais réellement que par complaisance, parce qu’il me semblait que je devais ?[3] » Et enfin, en isolant, comme nous l’avons fait, certains passages un peu plus chauds, des lettres de Lamennais à Mme Cottu, nous avons sûrement donné le change sur cette correspondance. Les déclarations affectueuses n’y