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tout ce qu’on pourrait imaginer. Jamais la volonté de torturer ne s’est affirmée plus tenace, plus cruelle chez nos ennemis. On est épouvanté, quand on songe à ce qu’il faut de férocité naturelle pour traiter ainsi des enfants, des êtres sans défense. Les moyens employés sont variés. L’imagination allemande est fertile en supplices. Ces gens-là ont encore l’âme des tortionnaires du moyen âge : « A la prison de Hasselt, raconte M. W..., ils nous laissaient trois et quatre jours, sans nous donner quoi que ce soit à manger. Puis, au milieu de la nuit, par le temps le plus épouvantable, pluie, neige, vent ou verglas, ils nous faisaient marcher quatre et cinq heures, en pleine campagne, le ventre vide. Beaucoup tombaient en route et ne se relevaient pas. Beaucoup ne rentraient à la prison que pour y mourir. » Alors, montrant leurs cadavres aux survivants, les Boches disaient en ricanant :

— Camarades, capout. Si vous, pas travailler, vous, capout demain.

Quelques-uns cédaient. C’était l’infime minorité : « Plus ils nous torturaient, plus ils ancraient en nous la volonté de résister. J’ai entendu nombre de mes compagnons dire :

— Je crèverai, mais « ils » ne m’auront pas !

Le sentiment du devoir accompli, la satisfaction de penser qu’ils n’avaient rien à se reprocher étaient aux prisonniers un réconfort continuel : « La vraie souffrance pour nous n’était pas d’avoir faim jusqu’à en mourir... Elle aurait été de commettre un acte contre notre conscience. »

Exemple admirable : les plus constants, dans leur martyre, sont les plus jeunes : « Parmi nous, il y avait un gamin de quatorze à quinze ans. Il était si épuisé qu’il ne pouvait même plus se soulever sur sa paillasse. Les Boches venaient le tenter en lui présentant des aliments :

— Vous, travailler ; vous, manger.

Le petit les repoussait :

— Jamais !

Il a tenu sa parole jusqu’au bout... jusqu’à la mort.


« Ils ont pendu, par les poignets, afin de les contraindre à travailler pour eux, ceux qui refusaient. Ils les ont laissés enfermés pendant trois jours, sans manger, » a déclaré un des