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députés du Nord, et sa protestation a soulevé la Chambre tout entière d’un même mouvement d’horreur ! « Ils ont enfermé les réfractaires dans une cave avec 60 à 70 centimètres d’eau, afin de les contraindre à rester debout... Ils les ont forcés à s’asseoir sur le bord d’un fossé plein d’eau, dans lequel leurs jambes étaient plongées jusqu’aux genoux, les laissant sans nourriture et leur faisant voir leurs camarades qui avaient signé leur adhésion bien nourris et grassement payés. Ils ont pris, à Lille, un groupe de jeunes gens qui avaient au moins 1 mètre 76. Pendant huit jours, il les ont tenus dans des abris de mitrailleuses, n’ayant qu’un mètre cinquante de haut et, pour les empêcher de s’asseoir, ils leur jetaient des seaux d’eau froide... A Lille, ils les ont enfermés dans l’usine de réparations de la Compagnie du Nord, d’Hellemmes ; ils les ont mis alternativement dans des salles surchauffées, puis à la température glaciale du dehors, pendant l’hiver de 1916... Du côté de Valenciennes, ils faisaient monter le condamné sur un billot, ils l’attachaient à un arbre par une corde qui le prenait aux fausses côtes, puis ils retiraient le marchepied. La victime restait suspendue, le corps ployé. Beaucoup sont morts de ce supplice. Quand on parlait aux Allemands de ce qu’ils faisaient subir à tant de malheureux, ils répondaient :

— C’est leur faute, ils n’ont qu’à céder [1]. »

« Ils nous ont mis « en pâture, » selon leur expression. Voici ce que c’était : de cinq heures du matin, au coucher du soleil, nus jusqu’à la ceinture, ils nous ficelaient à un poteau, la figure vers le soleil en été, à la bise en hiver. » A mesure que le soleil se déplaçait ou que le vent changeait, on faisait se tourner les victimes. Beaucoup s’évanouissaient.

« Nous étions huit cents dans notre camp, raconte un enfant lillois. On nous commanda de faire des tranchées... des tranchées contre les nôtres. Naturellement, à part trois ou quatre, nous avons tous refusé ; alors, on nous tint dans une prairie à la pluie, pendant quatre jours, sans rien à manger. Quelques-uns avaient un peu de nourriture dans leur poche et la mangeaient en cachette ; mais s’ils étaient surpris, les Boches la leur prenaient et les battaient. Plusieurs n’ont pu résister t ont été obligés d’accepter, — oh ! combien à contre-cœur,

  1. Récits de N. D..., de Lille et de Mme D..., d’Orchies.