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de guerre allemands ; réception de l’Allemagne dans la Ligue des Nations, avec droits égaux ; désarmement général et réciproque ; constitution de tribunaux généraux d’arbitrage pour éviter les guerres ; abolition de la diplomatie secrète. » Parmi les différents articles de ce programme, les uns sont mis là parce qu’on y croit, les autres parce qu’on voudrait y faire croire : les uns sont des thèses, ou des convictions, ou des opinions, les autres sont du bluff. Les commentaires de l’orateur, au lieu d’éclairer le texte, l’ont plutôt obscurci, sauf sur le chapitre du droit des Allemands de partout à disposer librement d’eux-mêmes pour parfaire et sceller l’unité allemande. M. Scheidemann avait d’abord dit : « Le temps de la domination universelle est maintenant passé, » Et cette observation avait l’air d’être dirigée contre l’ancienne politique impériale ou impérialiste ; mais on la retourne contre la politique qu’il prête faussement à l’Entente : « Dorénavant, aucune puissance au monde ne pourra se hasarder, sans être troublée (Tu la troubles ! reprit cette bête cruelle), à porter atteinte au droit politique égal de nos compatriotes, » Plus loin, M. Scheidemann explique : « Nous demandons le maintien du programme du Président Wilson, d’après lequel l’Allemagne doit être la patrie de tous ceux qui veulent être Allemands et Allemands libres. » Et nous, nations alliées et associées, nous voilà ramenées au carrefour où, pour entrer dans l’Allemagne allemande, accourent les Allemands d’Autriche.

Fort peu nous chaut de savoir quelle sera la structure interne de l’Allemagne, dès lors que nous aurons dans tous les cas devant nous, plus ou moins ouvertement, plus ou moins hypocritement, une Allemagne unie et centralisée ; et l’on vient de voir que personne en Allemagne n’en conçoit, n’en comprend et n’en consent une autre. Il ne nous importe guère davantage d’avoir en face de nous une république ou un Empire, si c’est au fond le même État ; et c’est avoir une grande confiance dans la vertu des formes constitutionnelles que de les croire capables de changer un type de peuple séculairement fixé. Mais, en revanche, il nous importe beaucoup de surveiller la figure extérieure qu’aura l’Allemagne de demain, car de cette figure, et proprement du tracé de ses frontières, dépendra en partie sa force ; et de sa force dépendra longtemps sa conduite, d’où dépendra toujours notre sécurité.

Encore sous le coup du désastre, quelle politique se propose-t-elle ? Le ministre des Affaires étrangères, comte de Brockdorff-Rantzau, la dessine hardiment : « Nous nous en tenons, proclame-