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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/300

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III. — PRÉPARATION DE LA NOUVELLE OFFENSIVE.
A-T-ON ABANDONNÉ PARIS ?

Il a donc décidé la retraite. Nous avons dit dans quelles conditions elle s’est accomplie. Maintenant, il faut tâcher de découvrir les raisons qui ont déterminé la manœuvre, le terrain et l’heure : car rien de tout cela n’est dû au hasard, ni à des inspirations extérieures.

L’esprit du chef voit les ensembles : s’il n’apercevait que certains cas particuliers ou s’il se laissait dominer par des préoccupations locales, quelle que soit leur importance, son équilibre serait rompu. Les armées du l’Ouest ne sont pas seules en cause ; toutes les forces de Joffre se battent à la fois sur le vaste front qui s’étend de l’Ourcq aux Vosges, et c’est parce que le chef pense à toutes simultanément que le terrain et l’heure s’imposent en quelque sorte à lui et qu’il les choisit par sa manœuvre.

La retraite, la défense de Paris, les mouvements par les lignes intérieures, l’arrivée des renforts, des munitions et des approvisionnements, les lignes géographiques, les données morales et politiques et, par-dessus tout, la liaison des armées, tout est posé à la fois ; toutes ces considérations assaillent l’esprit du chef pour la minute unique où la main sera mise sur la manette et le mouvement déclenché. Qui eût été en mesure de décider, sinon lui[1] ?

Le bond que l’armée française fait en arrière dépend à la fois « l’un principe et d’une nécessité militaire : c’est qu’à une troupe en échec, il faut laisser le temps et l’espace convenables pour qu’elle puisse reprendre haleine, se refaire et surtout regagner l’entière liberté de ses mouvements.

Joffre lance donc son Instruction générale du 25 août, qui est un ordre de « décrochement » avec, pour objet, un rétablissement en vue de la reprise de l’offensive. Il recule. Est-ce uniquement pour reculer ? Va-t-il reculer, comme on l’a dit amèrement, « jusqu’aux Pyrénées… jusqu’à Rivesaltes ? »

  1. Pour ces importantes préparations de la bataille de la Marne, c’est-à-dire la grande retraite des armées françaises, l’avance des armées allemandes, et l’emplacement des deux armées adverses le 5 au soir, voir les tomes VII et VIII de l’Histoire illustrée de la guerre de 1914.