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de cette explosion, me confiait un habitant. Cela tient à ce que nous ne vous retrouvions pas seulement, nous nous retrouvions nous-mêmes. Tant de jours où nous n’osions plus nous regarder les uns les autres ! Cette magnifique manifestation collective n’a été que la réunion de nos manifestations individuelles. Chacun de nous était si content ; il se trouva que nul ne l’était plus que le voisin : voilà. Et cette communion dans le sentiment le plus fort a, presque autant que votre retour, porté au comble notre joie. » Une Strasbourgeoise, dont on a bien voulu me communiquer la lettre, écrivait : » Nos Strasbourgeois, d’ordinaire si calmes, si résignés, ont dépassé tout ce que je pouvais imaginer. C’est l’explosion formidable d’un feu qui a longtemps couvé sous la cendre. »

Et déjà Strasbourg se préparait à recevoir le général en chef. Des fêtes qui, le 23, le 24, continuaient » on me disait : « Ce sont les premières vêpres de Pétain. » Mais la fête promettait d’être plus grave : on organisait l’entrée du grand chef avec le souci qu’elle fût plus solennelle, d’un appareil militaire plus considérable et d’une marche moins échevelée, — risquât-on de la rendre moins pittoresque.

Et le maréchal irait, après la grande revue de la « place de la République, » à la mairie, mais aussi de la mairie à la cathédrale, et ce seul article du programme lui donnerait un plus auguste caractère.


Il sembla que, le 25 au matin, le temps, qui avait été souriant et, si j’ose dire, guilleret pour l’entrée de Gouraud, comprît que l’heure était plus solennelle et se mît à l’unisson. Le ciel un peu bas formait une voûte d’un blanc pâle, opaque, un ciel où la neige resta vingt-quatre heures en suspens ; et le verglas paraissant menaçant, l’entrée s’allait faire en voiture découverte, ce qui est moins plaisant, mais d’allure plus princière.

Le fait est qu’à une heure, au moment où je vis le maréchal franchira son tour la porte de Schirmeck, le cortège avait un caractère singulièrement moins militaire que celui du 19 à Metz, que celui du 21 même à Strasbourg. Le maréchal avait fait asseoir à sa gauche le général de Castelnau, — hommage à l’admirable chef sous lequel il avait servi et en qui, j’y reviendrai, Colmar venait de saluer l’un des types les plus accomplis