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s’avancer, là encore, les vétérans, — témoins, que partout on retrouve, des services rendus par l’Alsace sur les champs de bataille, — les représentants des corporations avec leurs vieilles bannières et ce drapeau de la garde nationale où chante sur les trois couleurs, restaurées en 1830, le coq gaulois, ici, en cette vieille ville républicaine, tout ce qui rappelle la Révolution française (étant bien entendu que Napoléon et Louis-Philippe en sont parties intégrantes) fait vibrer les mémoires et les cœurs : le musée est un musée de la Révolution et de l’Empire ; l’Allemand qui y était entré, en sortait en fureur : tout lui criait, des faisceaux de licteurs de 1793 aux bâtons de maréchaux de 1804, la France de la Marseillaise entourée d’un culte traditionnel. Messimy était facilement entré dans le personnage que lui créaient les circonstances et n’avait pas omis de célébrer nos anciennes victoires avec nos plus récentes, Valmy et Iéna, à côté de Verdun et de la Somme. Il avait, exprimant certes là le sentiment de toute l’armée, ajouté : « D’un seul coup toutes nos souffrances, toutes les heures tragiques que nous avons vécues, nous apparaissent comme légères, comme une rançon naturelle de la magnifique récompense que vous apportez. »

La division Messimy n’était cependant qu’une avant-garde : elle avait cueilli cette première fleur d’enthousiasme et d’amour qu’Hirschauer avait connue à Mulhouse, que Gouraud allait connaître à Strasbourg, mais l’honneur de présider à l’entrée officielle et solennelle de l’armée française à Colmar était dévolu à plus haut que le général commandant la 162e division, au général commandant le groupe des armées de l’Est. A cette ville fidèle cette récompense était due que l’un des plus admirés de nos chefs y apportât le salut de la France et y vint établir son Quartier général : le 22, le général de Castelnau venait saluer le maréchal Rapp.

Sous ce ciel radieux qui, en ces mêmes heures, favorisait l’entrée à Strasbourg, Colmar, prévenu depuis deux jours, ouvrait au général de Castelnau tous ses trésors : la plaine et la montagne s’étaient donné rendez-vous en ce chef-lieu de la Haute-Alsace et c’était un cortège exquis de jeunes filles et femmes qui courait au-devant du vieux soldat.

Curières de Castelnau ! L’honneur de notre armée, la fleur de notre chevalerie moderne, le chef à l’âme si noble que chacun