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s’incline là devant, le père qui a donné ses enfants à la France, tout pareil à ce lieutenant général de Vogüé de la Guerre de Sept Ans qui, voyant tomber ses deux fils, continuait, après une rapide bénédiction aux chères victimes, à donner ses ordres de sa voix ferme et calme. Pas de chef plus populaire : les soldats servant sous lui, toujours, ont vu dans ce privilège une sorte de noblesse conférée.


Nous sommes, nous sommes les costauds
De Curières de Castelnau.


Cela sonnait au début de la guerre comme un rappel des grands chefs populaires de toutes les grandes guerres, de Masséna à Bugeaud. Le jour où Castelnau entre à Colmar, Strasbourg, cependant si bien servi, peut envier à sa voisine un honneur que toutes les villes d’Alsace et de Lorraine voudraient connaître.

Aussi lorsque, au milieu des sonneries de trompettes, apparaît le vainqueur de Nancy, quelles acclamations ! Il s’avance, un peu tassé sur son cheval, son œil clair, au regard tout à la fois si forme et si bon, un pou voilé par les paupières tombantes, la forte moustache blanche ne voilant qu’à demi le dessin si fin de la bouche, et sur toute cette figure de soldat, qui, cousinant avec celles du second Empire, réveille chez les vétérans des souvenirs anciens de Mac-Mahon et de Pélissier, cette expression d’autorité bienveillante qui toujours se dégage de toute cette haute et noble personnalité.

A la barrière, le maire le harangua en termes vibrants ; il remercia en quelques mots touchants, sans éclat inutile. Les fillettes le couvrirent de fleurs. « Magnifique cortège, écrit un canonnier, 300 Alsaciennes en costume, 300 vieux de 1870 en tête du cortège, l’abbé Wetterlé, député de Colmar, et le dessinateur Hansi. Le général en tête de colonne en grande tenue qui saluait de son épée, et l’artillerie qui défilait par pièces doublées. » Tandis que défilaient en effet, une demi-heure après, les troupes de la division Messimy devant le théâtre, Castelnau regardait, toujours avec cet air de haute autorité, l’œil comme fixé sur chacun des soldats qui passaient, ces beaux chasseurs alertes qui, venus des Alpes, avaient rempli de leurs exploits les champs de bataille du Nord-Est. « Il saluait non pas seulement ses colonels et ses régiments, écrit Maurice