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Cette lumière mouvante est ce qui fait battre son cœur. Toutes les joies, dit-il à sa dame, que j’ai pu goûter au monde ne sont rien auprès de ce que j’éprouve,


lorsque vous, parfois,
suavement, entre le noir et le blanc,
tournez un œil, auquel Amour prend ses délices !


Aussi c’est à dérober ces feux vivants d’amour que s’applique la vertu prudente de Laure. Et voici encore, pour son poète, mainte occasion de nous montrer de gracieux mouvements, ou bien des yeux seuls, ou de la tête et des mains encore, lorsque les étoiles s’effacent sous les paupières, ou se cachent sous un voile ou sous les doigts. Ce qui me fera, dit-il, mourir avant l’heure, c’est le « baisser » des yeux, car il éteint ma joie :


Et d’une blanche main encor je me désole,
qui pour me faire ennui a toujours été prompte.


Lorsque Madame passe, vient, s’éloigne, la grâce accompagne sa marche, plus céleste encore quand elle ôte ses chaussures, quand « parmi l’herbe fraîche, » son pied blanc,


en pas très doux honnêtement se meut.


Il semble alors que, de ses tendres foulées, sort « une vertu, qui ouvre et renouvelle les fleurs d’alentour. » Madame est seule, seule avec ses pensées, « en la saison naissante ! » Elle marche un peu, puis, si le lieu lui plaît, elle s’arrête, et disposant autour d’elle les « plis angéliques » de sa robe, elle s’assoit sur l’herbe, « se pose, telle une fleur. » — « Quel miracle ! »

Elle n’est pas toujours seule. La compagnie de dames élues lui est très chère. Autour d’elle, dans les jardins, les campagnes, les demeures, on voit aller, venir, parler, rire, une société très raffinée et très simple à la fois, aimable, gaie. C’est la société qui peuple aussi les fresques de l’unique quatorzième siècle, les dames du Paradis d’Orcagna, ou du bosquet du Campo Santo de Pise. « En de belles dames, nobles façons suaves !... »


En cette digne compagnie, Laure apparaît, avec son geste, son attitude, le port élégant, le salut courtois. Parfois elle se tient sur la réserve, et dans un « beau silence. » Et parfois elle