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Quel étranger, au passage,
Eût cru que cet enfant sage
Un peu pâle, un peu musard,
Se récitât pêle-mêle
Hérodote et La Beaumelle,
Virgile et Monsieur Nisard ?

Quand on lui disait, ravie :
« Que fera-t-il dans la vie ? »
Maman, d’un air augural,
Prononçait la phrase unique :
« Saint-Cyr ou Polytechnique ;
Ingénieur ou général.

Croyez-vous ? disait mon père.
Votre fils n’est bon, ma chère.
Qu’à muser des jours entiers ;
Il n’a que du rêve en tête.
D’ailleurs, ce n’est pas plus bête
Il n’est pas de sots métiers. »


GRAND’MERE


Sa voix douce disait : « Ne fais pas de tapage.
Je suis bien vieille, mon chéri. »
Elle avait, dans le temps que son frère était page,
Fait campagne avec l’équipage
De la Duchesse de Berri.

Elle avait parcouru le Bocage et la Plaine ;
Elle me l’a souvent conté.
Un cœur viril battait sous son châle de laine ;
Je l’adorais ; elle était pleine
De souvenirs et de bonté.

Les vieillards ont le goût de ces éphémérides :
Les récits coulaient clairs, aisés.
Souriants, et mêlant sous le bonnet à brides
Avec les fossettes, les rides
Et les mots avec les baisers.