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UN TYPE D’OFFICIER FRANÇAIS

LOUIS DE CLERMONT-TONNERRE
COMMANDANT DE ZOUAVES
(1877-1918)

La dernière fois que je le vis, c’était le dimanche 3 mars, le dimanche d’Oculi, et il ne devait pas voir le dimanche de Pâques. Il tira de son portefeuille un de ces chiffons invraisemblables sur lesquels les soldats écrivent, « Le jour, ajouta-t-il, où vous entendrez dire que ça ne va pas chez nous, publiez cela ; dites bien ce que c’est que le moral de nos hommes, comment ils parlent de leurs chefs. Sans me nommer, bien entendu. C’est une lettre d’un de mes zouaves, dont je vous ai conté l’histoire, à une de mes nièces qui l’a soigné à l’Hôpital. »

La lettre, dont je me borne à rectifier un peu l’orthographe, disait ceci :


2 janvier 1918. Lunéville.

Je suis très peiné d’apprendre que M. de Clermont-Tonnerre a failli être asphyxié, car moi aussi j’ai eu un commencement d’asphyxie e 23 avril 1915 à Ypres et j’ai plus souffert qu’à ma dernière blessure de la tête.

Quant à M. de Clermont-Tonnerre, dont je garde un souvenir inoubliable, je l’ai vu dans maintes circonstances braver le danger. Si je m’en souviens ! Au mois d’août 1916, devant Fleury, une attaque allemande ce déclenche : de suite il quitte son abri, malgré le bombardement et le tir de l’infanterie, parcourt toute la ligne des tranchées, revolver au poing, sans souci du danger... Tous ceux qui comme moi ont vu M. de Clermont-Tonnerre au feu admirent cet