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L’un, sous quelque sapin des Vosges
Aussi bleu qu’un conte de Grimm,
A mordu la pourpre des sauges
En chantant la Sidi-Brahim ;
L’autre, avant de mourir, ajoute
Son âme à son carnet de route ;
L’un prie et meurt sur son canon ;
L’autre jure : on croit qu’il blasphème ;
Mais Dieu, dans le juron suprême,
Ne veut entendre que Son Nom !

Large victoire populaire !
Toute à chacun ! N’aimez-vous pas
Qu’il n’y ait plus qu’une colère,
Qu’un serment, qu’un souffle et qu’un pas,
Et, quand l’homme de Rivesalte
Crie enfin sur la Marne : « Halte ! »
Qu’un bon petit être joyeux
Meure au coin de l’immense drame
En disant : « Dites à ma femme
Que je suis mort victorieux ! »

Espoir ! espoir dans la lumière !
Les yeux larges comme des lacs,
Le veilleur est debout derrière
Des architectures de sacs.
La peau de mouton qui l’affuble
Dans l’ombre a l’air d’une chasuble.
Le vent chante un long Requiem.
Un blessé cherche de l’iode.
Le Bois des Corbeaux crie : « Hérode ! »
Une étoile dit : « Bethléem ! »

Veille, veilleur ! Un paysage
T’a confié tout son destin.
Mets un mouchoir sur le visage
De l’officier mort ce matin.
Veille ! et songe, dans ta vigile,