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N’a pas cessé, malgré son âge...
N’a pas cessé, quoique blessé...
N’a pas cessé, malgré la neige... »
Ah ! les voilà donc, me disais-je.
Voilà ceux qui « n’ont pas cessé ! »

Qu’ils sont beaux ! La triple courroie
Plaque à leur dos l’anneau luisant
Qu’ils mettront un jour avec joie
Aux naseaux du monstre pesant.
« Héros ! » dit mon regard. — « Nous sommes, »
Répond leur silence, « des hommes :
C’est beaucoup moins, et c’est bien mieux ! »
Ces hommes, comment les décrire ?
Ils ont dans leur barbe du rire.
De la tristesse dans leurs yeux.

Le rire dit : « Je m’habitue
A me faire pour vous tuer. »
Et l’œil triste ajoute : « Je tue
Sans pouvoir m’y habituer. »
Ah ! cher homme de notre race,
Qui n’a pas rêvé, loup vorace.
De mettre un dur pays de loup
Au-dessus de tout par la haine,
Mais une douce France humaine.
Par l’amour, au milieu de tout !

Lorsqu’il chante : « Auprès de ma blonde,
Qu’il fait bon..., » il dit dans son cœur ;
« Mais quand j’aurai sauvé le Monde,
Auprès d’acné il fera meilleur ! »
— Quel est le vrai nom qui le nomme.
Cher soldat bleuâtre ? — « Bonhomme ! »
Humanité... bonté... j’entends !
Héros du Linge ou des Eparges.
Poilu, c’est pendant que tu charges.
Mais Bonhomme, c’est tout le temps !