l’infanterie le renouvelle jour après jour, par les mérites de milliers de martyrs. Par trois fois en ces douze mois, le 15 février, le 9 mai, le 25 septembre, comme aux jours napoléoniens et telle que Vigny l’avait dépeinte, elle s’est largement éployée, « l’infanterie de ligne, l’infanterie de bataille, où les paysans de l’armée se font faucher par mille à la fois, aussi pareils, aussi égaux que les épis d’un champ de la Beauce, » et, dans l’entretemps, elle s’est adaptée au régime d’une guerre dont les épisodes quotidiens ressemblent tantôt à des duels de bandits, tantôt à des accidents d’usine. Jadis, dans un beau livre, le général de Maud’huy avait écrit : « Un peuple riche et indus- triel peut avoir une bonne artillerie, un peuple possédant une aristocratie guerrière et une bonne race de chevaux peut avoir une cavalerie redoutable ; mais tant vaut le peuple, tant vaut l’infanterie [1]. » Si ces lignes écrites bien avant la guerre sont vraies, s’il est vrai qu’un peuple a toujours l’infanterie qu’il mérite, quelle louange pour notre patrie ! De fait, à la fin de 1915, les neutres ont cessé de dire : « Pauvre France ! » Là-bas surtout, aux États-Unis, ils disent plutôt, généreusement : « O most human France ! » Et beaucoup se rappellent que souvent, au cours des siècles, les Français ont versé leur sang, non pour leurs seuls intérêts, mais pour le bonheur de leurs frères humains.
JOSEPH BEDIER.
- ↑ De Maud’huy, Infanterie, 2e édition, Paris, 1912, p. 8.