d’armée ou chef de bataillon, l’officier est remué de la même émotion, car le général se sentant rajeuni au contact de ces jolis minois, le jeune commandant se reprocherait, en revanche, de n’être point quasi paternel ; il y a dans les baisers donnés ou pris une galanterie de jeune chevalier avec un sentiment de bienveillante protection, naturel chez le « libérateur. » Défilé des troupes, — petites ou grandes, — acclamations ; toujours cette stridente et inapaisable clameur : « Vive, vive, vive la France ! » On les trouve « superbes, » nos poilus. Et « comme ils marchent légèrement ! » Ce ne sont point ces balourds d’Allemands qui faisaient trembler le sol sous leurs lourdes bottes. Cette perpétuelle comparaison achève d’exalter les cœurs : « Enfin, s’écrie naïvement un petit papillon, enfin ! on va pouvoir aimer les soldats ! » Vin d’honneur à la mairie, discours encore, toasts : les vétérans embrassent le chef de guerre : « Quelles campagnes avez-vous faites ? demande celui-ci. — Mexique, Armée des Vosges en 1870. — Tenez, mon général, en voici un qui a fait l’Italie. » Le vieux étale en effet trois médailles. Encore des papillons : cette petite robe rouge brûle d’être embrassée, puisque la petite robe verte l’a été ; le chef embrasse : « Vous êtes contente d’être Française ? — Oh ! monsieur le général ! » Et une paire d’yeux brillent comme des escarboucles. « Vous avez commandé le soleil pour nous recevoir. — Oh ! monsieur le général, il fait toujours beau (c’est le proverbe alsacien aimablement rappelé) quand les anges passent. » Nos hommes ne demandent qu’à jouer le rôle d’archanges, et même d’archanges valseurs : et le soir, après une retraite aux flambeaux, il y a bal ; on danse partout : à la petite place enrubannée, à la salle de la mairie, dans les auberges papillons noirs ou chamarrés et vareuses bleu horizon ; je sais un bourg où le curé, connu pour être à l’ordinaire « féroce » pour le bal, ses pompes et ses œuvres, s’en allait par la foule en frappant dans ses mains et criant, me rapporte-t-on : « Allez, jeunesses, allez, dansez, dansez ! » — « C’est tout juste, si sa soutane troussée, notre bon curé n’esquissait pas un entrechat, » me dit une bonne paroissienne. Et elle ajoute en baissant les yeux (c’est une personne mûre) : « Je dansais bien, moi. »
On ne dormit point ces nuits-là. Les troupes parfois ne faisaient que passer, poussaient plus avant ; mais d’autres