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tourner dans le même sens, en favorisant les débiteurs au détriment des créanciers, et que le XXe siècle nous allégera gratuitement notre dette de guerre comme le XIXe a allégé celle de l’Angleterre.


V

N’espérons donc pas trop dans le secours du temps : il n’est pas sûr qu’il travaille pour nous. Il faut s’aider soi-même, si l’on veut l’être par les circonstances. Nous n’avons qu’un moyen, économiquement parlant, de supporter et de réduire notre dette de guerre, c’est de développer notre richesse nationale, sous ses trois formes, ressources naturelles, force de production, pouvoir d’épargne. Et nous le pouvons, en voici la preuve : de 1812 à 1914, le capital du Royaume-Uni s’est élevé de 2 190 millions de livres à 15 milliards ; de 1815 à 1911, celui de la France a passé de 45 à près de 300 milliards de francs ; c’est-à dire qu’en France comme en Angleterre, au cours d’un siècle, le capital national a plus que sextuplé, ce qui, compte tenu d’une baisse de moitié dans la valeur de la monnaie, fait encore ressortir une hausse effective du triple. Ce que l’industrie humaine a réalisé au XIXe siècle, pourquoi ne le réaliserait-elle pas au XXe.

Il faut bien entendre, d’ailleurs, qu’autre chose est le capital d’un pays, c’est-à-dire le total des capitaux possédés par les nationaux, tel qu’il est très approximativement évalué par la statistique, autre chose est la richesse de ce pays. Comprenons bien que cette richesse n’est pas quelque chose de fini, de défini, d’immobilisé, qui se laisse enfermer dans les cadres d’un bilan, mais un ensemble de possibilités actuelles ou virtuelles, latentes ou patentes, susceptibles, avec le temps et par l’action combinée de la nature, de la science et du travail, d’une expansion quasi illimitée. A côté de la richesse « acquise, » il y a la richesse à acquérir, les réserves en ressources ou forces matérielles, en découvertes et inventions, que l’avenir se charge de faire apparaître et de mettre en œuvre. La Grande-Bretagne possède, dit-on, 200 milliards de tonnes de charbon, valant 100 milliards de livres. Combien la France, avec la Lorraine retrouvée, a-t-elle de tonnes de fer ? Combien de millions de chevaux-vapeur encore inutilisés dans les torrents des Alpes et des Pyrénées ? Combien de milliards de matières premières