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dans son empire colonial ? Nous n’avons jusqu’à présent fait que commencer l’exploitation des trésors du monde. D’autre part, la science est en train d’apporter un ordre nouveau, une « révolution, » dans les moyens comme dans les objets de la production. Sans parler des secrets de demain, tels que l’utilisation des marées ou de la chaleur solaire, que ne peut-on attendre après la paix, dans l’ordre économique, des progrès de la chimie, de la métallurgie, de la mécanique, de l’électricité, à en juger par les miracles accomplis pendant la guerre ? N’est-ce pas un signe des temps que la récente création par l’Académie des sciences d’une section des sciences appliquées ? Il est certain que les forces productives de la France n’ont pas progressé depuis un quart de siècle comme celles des autres pays. En agriculture, on sait que l’Allemagne tirait avant la guerre 23 quintaux de blé à l’hectare, la Hollande 24, l’Angleterre 21, tandis qu’avec un sol supérieur, nous n’en obtenions que 13 et demi. De même à l’usine, à l’atelier : nous sommes en retard quant aux procédés, à l’outillage, au rendement du travail. L’ouvrier américain produit trois fois plus que l’ouvrier anglais : est-il bien sûr que le Français ne produise pas moins que l’Anglais, lequel a d’ailleurs doublé son rendement pendant la guerre ? Le machinisme, si avancé qu’il paraisse aux yeux des profanes, n’est encore qu’au début de sa carrière. Dans tous les ordres de la production, une immense perspective de développement s’ouvre à notre pays, s’il le veut.

Il faut qu’il le veuille, il faut qu’il apporte dans les arts de la paix, avec une ambition nouvelle, ce même esprit d’effort, méthodique et discipliné, dont il a donné pendant la guerre un si bel exemple. Cet esprit d’effort avait faibli chez nous, au temps de nos divisions politiques et sociales ; ce doit être le bénéfice moral de l’épreuve de le revivifier, et celui de la victoire de lui rendre confiance en lui-même. Et de l’esprit d’effort ne séparons pas l’esprit d’épargne, qui lui aussi avait baissé en France, et que la longue durée de la guerre a dangereusement altéré. Cette vertu traditionnelle de notre race, il faut qu’elle renaisse : c’est une commune nécessité, en un temps où nous avons à réparer les pertes de la guerre ; c’est aussi l’heure favorable, quand tous les prix sont hauts, et non moins haut le taux de l’intérêt. Moins noble, si l’on veut, que