Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/931

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Suzanne sons les marronniers et récitatif qui précède), il n’est pas une seule parole et pas un seul personnage, qu’un accent vocal ou rythmique, un accord, une sonorité, ne mette en valeur, en relief, en lumière. Le comte réclame-t-il à sa femme la clef du cabinet où Suzanne a déjà remplacé le petit page, il le fait en quatre notes, — sur ces trois mots : « qui la chiave, » — qui parlent aussi ferme, aussi juste qu’elles chantent. Un historien de la littérature italienne, Francesco de Sanctis, a fait un jour cette remarque, à propos de Métastase, que le moment peut venir, et qu’il vint en Italie, où le drame, et par conséquent la parole, finit par se fondre et se perdre dans la musique. Alors, de l’œuvre qu’il entend, l’auditeur ne se demande plus « cosa dice, » mais « cosa suona. » Rien de pareil en écoutant la musique de Mozart, parce que, seule peut-être, elle unit la perfection du sens à la perfection du son.

Pas plus que la parole, le drame, — ici la comédie, — ne se perd dans cette musique. « On peut, » dit Suzanne, de Figaro, « on peut s’en fier à lui pour mener une intrigue. » Autant qu’à Figaro, qu’à Beaumarchais, on peut s’en lier à Mozart. Pour la vivacité et la vie, pour l’esprit et la verve, pour l’imbroglio des épisodes et des péripéties, la comédie lyrique ne le cède en rien à l’autre, si même, grâce aux vertus propres à la musique, elle ne la surpasse. Pas une action, pas un mouvement ici, qui ne soit, à tous les degrés, sous toutes les formes, imité, quand il n’est pas redoublé par les sons. Mouvement de la pensée, des lèvres et de la main, on sait comment le suit et le figure la mélodie que se partagent et se renvoient, l’une dictant un billet, l’autre l’écrivant et le relisant, la comtesse et Suzanne. Qu’y a-t-il d’autre qu’un mouvement, celui-là prompt comme l’éclair, dans le duetto de Suzanne et de Chérubin, qui dure quelques secondes, le temps pour elle d’ouvrir la porte et pour lui de sauter par la fenêtre. Quand on s’étonnait qu’il n’eût pas fait du Barbier de Séville un opéra-comique, la pièce étant d’un genre à comporter la musique, Beaumarchais, pourtant bon musicien, donnait les raisons que voici : « Notre musique ressemble encore trop à notre musique chansonnière, pour en attendre un véritable intérêt ou de la gaité tranche. Moi qui ai toujours chéri la musique sans inconstance et même sans infidélité souvent, aux pièces qui m’attachent le plus, je me surprends à pousser de l’épaule, à dire tout bas à la musique : « Eh ! va donc, musique ! N’es tu pas assez lente I Au lieu de narrer vivement, tu rabâches. Au lieu de peindre la passion, tu t’accroches aux mots. Le poète se tue à serrer l’événement, et toi tu le délayes. . » A ces