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Revue scientifique

un modèle d’organisation :
le secours de guerre


Mes lecteurs me pardonneront d’aborder aujourd’hui des questions d’assistance et de bienfaisance qui semblent au premier abord tort éloignées des problèmes scientifiques que je traite d’habitude. Ce n’est là qu’une apparence. Il serait bien hardi celui qui prétendrait fixer des limites à la science et lui crier : « Tu n’iras pas plus loin ! » Combien de choses ont commencé par être des arts pour devenir ensuite des sciences, lorsque la coordination des expériences et l’induction les eurent arrachées aux contingences de l’inspiration et du tâtonnement, quand en un mot l’empirisme eut cédé la place à l’expérimentation. La chimie subit cette transformation lorsqu’elle s’échappa de la chrysalide alchimique ; l’astronomie fit de même plus anciennement ; plus près de nous (et sans parler des tentatives plus ou moins heureuses de Condorcet pour introduire le calcul dans les sciences politiques et morales) la psychologie est devenue une science, sans cesser tout à fait d’être un art ; la médecine n’en est pas encore là, mais depuis Pasteur elle y tend.

Il n’est pas jusqu’à la charité elle-même qui ne puisse gagner quelque chose à s’appuyer chaque jour davantage sur des bases expérimentales précises et à étayer l’inspiration, le noble sentiment d’où elle jaillit, sur des données utiles et précises. J’en voudrais donner aujourd’hui un exemple particulièrement frappant.

Déjà, au quatrième siècle saint Jean Chrysostome, qui était doué d’un robuste bon sens, reprochait aux familles byzantines la manière inconsidérée dont elles pratiquaient l’assistance, en se débarrassant des nécessiteux par une aumône, de telle sorte qu’en définitive les