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décidément le nombre qui, aujourd’hui, plait aux dieux : ils fuient l’impair ! — la question du Rhin et de la Sarre, celle des limites de la Pologne, et expressément de l’attribution de Dantzig, celle du bolchevisme hongrois ; celle, par surcroit, des réparations et des indemnités.

Sur chacune de ces questions, et, en guise de préface, sur les dispositions dans lesquelles elles seraient abordées, les mêmes journaux, anglais ou américains, nous ont offert des révélations qui valent ce qu’elles valent, et que nous n’acceptons, bien entendu, que sous bénéfice d’inventaire. Comme on ne nous dit pas de quelle personnalité elles émaneraient, il est prudent et agréable de penser qu’elles n’émanent que de personnalités sans mandat. Mieux vaut glisser : à trop insister, on ferait croire, contrairement à la vérité, tout récemment encore affirmée par M. Lloyd George et rétablie par l’entourage de M. Wilson, que des dissentiments graves existeraient entre les alliés ou associés, alors qu’il n’existe entre eux que les plus naturelles et les plus légitimes différences d’information ou de jugement, lesquelles ont toujours tendu et tendent de plus en plus à se concilier, non à s’envenimer ou s’exaspérer dans la discussion. C’est pourquoi nous pouvons, et nous devons, nous Français, parler haut et clair à des alliés ou des associés qui sont des amis, à des amis qui restent des alliés ou des associés. Aux portes ouvertes ou fermées de la Conférence, jusqu’aux portes secrètes du Conseil des Quatre, soufflent donc les voix du dehors, si accordées, si unanimes qu’on ne peut pas ne pas entendre ce qu’elles disent, ces voix françaises.

Elles disent que, s’il n’y a plus pour nous, ni pour personne, — pas même pour l’Allemagne, qui parait se soumettre à l’inévitable, — de question d’Alsace-Lorraine, il reste une question des frontières d’Alsace-Lorraine, plus exactement une question de la frontière Nord de l’Alsace et de la frontière Nord de la Lorraine, qui ne comporte pour nous qu’une solution. L’Alsace-Lorraine que nous n’avons cessé de revendiquer, ce n’est pas seulement l’Alsace-Lorraine de 1870, qui n’était plus que l’Alsace-Lorraine de 1815 ; c’est celle de 1814, qui n’était déjà plus tout à fait celle de 1792. Un deuxième brigandage n’efface pas le premier, et contre l’ennemi rapace, contre le voleur de provinces, il n’y a point de prescription : adversus hostem æterna auctoritas.

La frontière Nord de l’Alsace et la frontière Nord de la Lorraine, telles au moins qu’elles étaient à la fin de la monarchie, nous les réclamons en vertu du traité même qui a commencé à nous