Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

État indépendant de l’Allemagne, sera administré, avec des forces de police françaises et sous le régime des lois françaises, par la Société des Nations. Celle-ci déléguera ses pouvoirs à un conseil de cinq membres: un désigné par la population locale, un par la France, et trois par la Société des Nations. Durant cette période de quinze années, les habitants du nouvel État de la Sarre ne seront assujettis à aucun service militaire et ne payeront d’impôts que pour leur administration locale. A l’expiration des quinze ans, le pays de la Sarre décidera de son sort par un plébiscite. Si le résultat de la consultation était favorable au rattachement à l’Allemagne, celle-ci, pourrait racheter les mines, en versant à la France l’équivalent de leur valeur en or. »

Telle serait, d’après les notes publiées, la solution à laquelle le Conseil des Quatre en serait pas à pas venu sur la question du bassin de la Sarre. Les Allemands n’ont guère tardé à l’apprendre : ou plutôt ils l’ont appris en même temps que nous, et par le même moyen. Leur réponse, — une première réponse, qui n’est probablement qu’un avant-propos à de grosses chicanes, — ne s’est point fait attendre. Le comte de Brockdorff-Rantzau a feint la stupéfaction : « Je ne peux pas croire que la note Havas sur le règlement de la question de la Sarre et de l’occupation militaire du pays rhénan soit autre chose qu’un ballon d’essai destiné à établir quelles exigences l’opinion publique allemande peut supporter. Les clauses concernant le bassin de la Sarre ne sont pas autre chose qu’une annexion maladroitement voilée. Je ne signerai jamais un traité de paix contenant ces dispositions, et je sais aussi que, même si les délégués étaient disposés à le signer, l’Assemblée nationale allemande rejetterait le traité de paix. » Contrairement aux règles ordinaires de la rhétorique, le ministre des Affaires étrangères de l’État allemand fait ses exordes par indignation et ses péroraisons par insinuation. En voici une belle, et qui, elle, n’est pas « maladroitement voilée! » Elle ne l’est pas du tout. « La France, murmure-t-il avec toute la douceur que permet sa langue maternelle, la France a naturellement droit à des dommages-intérêts pour ses mines détruites, et l’Allemagne est disposée à reconnaître ces dommages et capable de les supporter. Si, au lieu d’hommes politiques, des hommes d’affaires expérimentés s’occupaient de régler cette question, ils trouveraient une voie qui offrirait certainement à la France une réparation suffisante et conduirait à la conciliation, au lieu d’une hostilité durable des deux peuples. Nous sommes prêts à faire aux délégués français des propositions correspondantes.»