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pourront engager en outré leurs 450 000 recrues de la classe 1919.

Sans doute, par-delà les mers, ce grand peuple ardent des États-Unis s’arme comme pour une croisade, Les journaux qui viennent de là-bas disent l’enthousiasme des levées tumultuaires et produisent des statistiques prestigieuses : les bataillons de l’armée qui se forme y sont comptés par milliers ; ses avions, ses camions, ses canons par dizaines de milliers. Mais quand sera-t-elle formée ? Ce n’est que depuis dix mois, depuis le 6 avril 1917, que les États-Unis ont renoncé à leur neutralité, et les Allemands, qui ne sont pas sans savoir ce que c’est que mettre sur pied une armée, calculent avec une joie ironique combien de mois devront couler encore, et combien de saisons, avant que les recrues du Nouveau Monde, équipées, armées, encadrées, instruites, entraînées, finissent par fournir quelques unités combattantes, et qui osent les affronter. Depuis novembre 1917, des contingents américains ont débarqué en France, mais qui restent dans les camps d’instruction. La menace américaine, les Allemands s’en croient bien sûrs, est à très longue échéance ; pour l’heure, il est constant qu’ils peuvent la tenir pour négligeable.

Alors, par toutes les voix de leurs agences de presse, ils annoncent urbi et orbi que bientôt ils attaqueront, dès la première venue du printemps ; et que ce sera la ruée et la curée ; et que c’en est fait de l’Entente ; et que « la France va descendre dans la tombe qu’elle-même a voulu creuser de ses propres mains. »

Il est écrit, pourtant : « Que nul, ne se glorifie de la victoire, tant qu’il n’aura pas dénoué les courroies de sa cuirasse. »


Les Français savent que, sous peine d’usure irrémédiable, il leur faut garder encore l’attitude de l’attente. Mais, durant les mois de l’hiver de 1917 à 1918, le commandant en chef oriente nos armées en vue de la bataille défensive que chacun pressent. Il définit les principes de leur orientation et règle l’application de ces principes dans une Directive et des Instructions annexes qui se succèdent du 22 décembre 1917 à la fin de février 1918.

L’idée de ces textes mémorables est qu’il s’agit moins, présentement, pour les commandants de groupes d’années et